Un fleuve à connaître, aimer et protéger
Connaître le fleuve, l’aimer, en le naviguant, en y puisant sa vie quotidienne, en le célébrant!
Mais aussi en le protégeant et le perpétuant!
Notre fleuve majestueux, dont les rives étaient décrites par Jacques Cartier comme une mer de chênes et de pins, risque-t-il de devenir l’ombre de lui-même?
L’intégrité du fleuve, tant pour la qualité de l’eau que pour la survie des espèces, et la pérennité de ses usages, notamment le tourisme et la pêche, sont de plus en plus compromises, quasi essentiellement par l’industrie pétrolière. Seules la vigilance et la mobilisation citoyennes sont garantes de sa protection, car les instances politico-industrielles s’en déresponsabilisent totalement, ne se préoccupant que de profit à tout prix et à court terme.
L’ex-projet de port pétrolier à Cacouna, dans la pouponnière des bélugas, représente bien cette problématique conflictuelle entre décideurs et citoyens, le projet ayant été abandonné grâce à de fortes pressions citoyennes. En souhaitant maintenant y implanter une zone industrialo-portuaire, le gouvernement Couillard démontre son indifférence totale pour la protection de cette espèce en voie de disparition et son mépris envers la volonté citoyenne.
Le pipeline Énergie Est de TransCanada constitue un péril majeur pour le Saint-Laurent, à la fois par sa traversée au niveau de Saint-Augustin près de Québec et par le risque de déversement dans les centaines d’affluents traversés, dont la Saint-Maurice en amont de la prise d’eau potable de Trois-Rivières. Considérant la rapidité du courant et la proximité du fleuve, un déversement à cet endroit rejoindrait rapidement celui-ci, compromettant au passage notre approvisionnement en eau potable (réserves d’environ quatre heures) et chambardant les sites récréo-touristiques de l’Amphithéâtre Cogéco et de l’Île Saint-Quentin.
Peut-on imaginer les coûts financiers exorbitants qu’impliquerait un tel désastre, comme il en est survenu dans les rivières Kalamazoo (Michigan) et Saskatchewan Nord, et ses répercussions dans le fleuve, considérant que « …Énergie Est pourrait déverser plus de 3,6 millions de litres de pétrole dans une rivière du Québec en cas de rupture du tuyau…36 fois la quantité (déversée) dans la rivière Chaudière à…Lac-Mégantic »!!!
L’augmentation du trafic fluvial de pétroliers et superpétroliers pour exporter le pétrole albertain est aussi extrêmement périlleuse, comme le souligne cet extrait d’un mémoire de l’Alliance des villes des Grands Lacs et du Saint-Laurent : « L’étroitesse de la voie navigable à maints endroits, la présence de conditions de navigation difficiles et le grand nombre de navires qui y circulent contribuent à multiplier les risques d’incidents ou d’accidents entraînant des déversements. »
S’ajoutent à cela les velléités récurrentes d’exploration pétrolière dans le Golfe où le gisement « Old Harry est le lieu de tous les dangers en cas de catastrophe pétrolière : central, sillonné par des courants et des vagues de surface, entouré de côtes…(avec) comme lacune fondamentale le fait qu’on ne possède pas de méthodes de récupération des hydrocarbures en présence de glaces. »
Comme le souligne l’historienne et conférencière Lucia Ferretti (UQTR), le Saint-Laurent et ses ports sont de juridiction fédérale; même « La Cour supérieure a jugé que Québec ne peut pas imposer ses lois environnementales à la corporation du Port de Québec ». Ce qui entrave « la capacité du Québec de profiter du fleuve dans le sens de ses propres intérêts. »
Dès lors, faut-il s’étonner que le Port de Québec projette de remblayer 600 mètres de fleuve et d’y construire trois quais pour accueillir notamment des pétroliers en milieu urbain, défigurant ce qui constitue la spécificité historique et touristique de Québec et compromettant la santé et la sécurité de milliers de citoyens?
Souvenons-nous que c’est par notre vigilance et notre mobilisation citoyennes que nous pouvons protéger notre fleuve contre ces assauts mercantiles effrénés des pétrolières.
Robert Duchesne
Trois-Rivières