(OPINION) Reconstruire les solidarités
TRIBUINE LIBRE. Manifestement, le monde de demain aura besoin d’une plus grande solidarité collective. Le chacun pour soi, cet espèce de nihilisme qui consiste à se fermer les yeux sur ce qui ne nous concerne pas immédiatement (pauvreté, inégalités, mais aussi environnement, marché du travail, etc.) et à tirer parti de tout ce qu’offre une consommation hédoniste et démesurée, n’augure rien de bon.
On assiste depuis l’automne à une surenchère d’annonces saupoudrant aux uns et aux autres, à tout vent, de petits (et de gros) cadeaux électoraux. Le gouvernement a de l’argent en trop ! Le taux de chômage est au plus bas et l’économie va bien. C’est comme cela que l’on peut évacuer certains problèmes épineux en les pelletant après l’élection. Ainsi des discussions concernant la lutte à la pauvreté et aux inégalités sociales : quelques très petites augmentations à l’aide sociale, un discours gouvernemental lénifiant sur le RMG (revenu minimum garanti) et voilà, on n’en parle plus.
Pourtant le problème de la pauvreté et des inégalités au Québec reste entier.
Aucun parti politique pouvant aspirer au pouvoir ne semble préoccupé par ces questions. Au contraire, tous prêchent le même discours, offrent les mêmes vieilles recettes usées, véhiculent les mêmes préjugés. Essayons donc de réintroduire dans le débat cette question fondamentale du travail et de la justice sociale.
Le gouvernement québécois a instauré une politique dite Objectif emploi par laquelle on prévoit une formation obligatoire pour tout nouveau demandeur d’aide sociale sous peine d’une coupure de 224$ sur une prestation déjà misérable de 628$ (et on donne un demi-million à chaque médecin spécialiste, cherchez l’erreur !).
Pour instaurer une politique aussi dure, on peut donc tenir pour acquis que le marché du travail est en mesure d’offrir des emplois à tous ceux et celles qui suivront la formation prévue. Nous savons pertinemment qu’il n’en est rien et que cet acharnement sur les plus vulnérables de la société n’est pas autre chose qu’une politique néolibérale visant à déstructurer le marché du travail, à réduire le rôle de l’État et à briser toutes les solidarités qui naguère obligeaient les riches et les gouvernements à plus de retenue…
Déstructurer le marché du travail ? L’Institut de la statistique du Québec nous apprend que l’industrie primaire au Québec a perdu 16 400 emplois (15,8%) en 2016 alors que le secteur industriel en perdait 86 800 (15%). Des pertes largement compensées par la création d’emplois dans les services. Le marché du travail se déstructure donc par lui-même. Or, lorsque ces emplois payants et généralement syndiqués sont remplacés par d’autres à bas salaire et non-
syndiqués, la société dans son ensemble y perd.
D’ailleurs, les pressions sont fortes pour empêcher toutes nouvelles hausses du salaire minimum. On peut donc imaginer que la société se polarisera de plus en plus relayant les exclus (ceux et celles qui n’auront pas les qualifications
nécessaires) à des conditions de travail minimales. Nos dirigeants politiques ne sont pas sans mesurer les impacts socioéconomiques d’une telle situation.
Essentiellement, on nous propose de laisser faire le marché. Ce n’est pas la bonne réponse.
Voilà pourquoi la société doit se mobiliser sur les questions de justice sociale, de partage, d’environnement, de consommation responsable et de solidarité.
Bertrand Rainville
CIBES de la Mauricie