Nos enfants métis…quelle culture pour eux?

Parler de la situation des enfants métis d’un point de vue extérieur, c’est à dire avec mon regard de mère d’enfants métis et qui côtoie certains d’entre eux lors de mes ateliers dans les écoles et aussi dans ma vie de femme et amie de parents de ces enfants-là.

Je suis arrivée au Québec adulte, mes enfants métis, eux sont nés ici. Je fréquente beaucoup d’amies Blanches ou Noires mères de métis…je peux donc comprendre un temps soit peu leur situation et en parler. Non comme pour ouvrir un débat sur ce thème, mais simplement y apporter ma contribution.

Jongler avec deux cultures

Le premier constat que je peux faire d’entrée de propos c’est qu’être enfant métis, demande de la part des parents beaucoup d’encadrement, être de bons parents qui s’entendent bien et qui partagent réciproquement les deux cultures, et les partagent ensuite avec leurs enfants.

En ce sens que le couple visite, connaisse et partage autant la partie africaine que la partie québécoise et que chacun apprenne à l’aimer et en faire sienne.

Quand le parent québécois parle de l’Afrique qu’on ressente des propos d’amour et d’appartenance et vis-versa. Cet équilibre du couple déteindra sur les enfants qui comprendront très tôt qu’ils appartiennent à deux cultures hyper différentes mais qui ont trouvé leur unité et leur cohésion à travers l’amour de leurs deux parents.

Au moins quand l’enfant sera confronté à des attaques racistes ou discriminatoires, il pourra y faire face la tête haute et le coeur serein.

 Je vous partage le témoignage très intéressant d’une jeune amie métisse, de mère métisse Afro-Québécoise et d’un père Blanc-Allemand, très beau mélange culturel en passant…

Témoignage

«J’avais 14 ans quand mon père par son travail de diplomate nous a emmené vivre au Québec.

À mon école privée de langue française à Montréal se côtoyaient les enfants de diplomates et étrangers de plusieurs autres pays. Malgré cela l’intégration était difficile pour bon nombre de jeunes; les Africains à la cantine se retrouvaient entre eux, les Blancs entre eux…

Le mélange n’est visible que dans les salles de classe ou au sport. La raison qu’on trouve c’est qu’on a plus de choses à se dire entre Africains ou entre Québécois…

Mais dans toutes ces divisions vous ne devinerez jamais la situation des métis, ma situation. Notre situation est un peu drôle…ils vont des deux côtés ou rejettent simplement l’un des côtés et c’est souvent leur côté africain qu’ils rejettent.»

«Il y a une métisse Italo-Sénégalaise dans l’école, elle n’a que des amies blanches et fait tout comme elles.

Elle refuse même les tresses africaines et lissent ses cheveux avec un fer-plat afin qu’ils se raidissent comme ceux de ses copines blanches. Et, le plus drôle, en été elle se bronze rien que pour imiter ses copines et avoir les mêmes activités qu’elles pourtant elle n’en a pas besoin.

Elle a même le culot de dire à qui veut l’entendre qu’elle ne se sent aucunement Noire et étale les points négatifs fondés ou non sur les Africains en général et surtout l’Afrique des médias.»

C’est un Allemand!

«De retour en Allemagne après mon secondaire, j’ai revu la même situation cette fois dans un milieu universitaire. Un gars métis qui ne voulait rien à avoir avec les étudiants africains; même si vous lui lancez un salut, vous n’aurez pas de retour même pas un signe de la tête.

Mais ironie du sort, un jour après un exposé, le prof lui dit: «Mais vous parlez très bien l’Allemand sans accent, d’où venez-vous au juste?»

Et c’est une de mes amies qui a répondu à sa place: «Mais Monsieur il est Allemand!»

Certains arrivent à accepter leur mélange mais quand ils se font traiter de Nègres et sont vus comme des étrangers, ces derniers peuvent perdre leur équilibre et se sentir frustrés.

Et malheureusement être vus comme Africains ou Noirs n’est pas une vertu, c’est plutôt un complexe d’infériorité énorme.

Pour des enfants qui ne sont jamais allés en Afrique, ils ont les médias pour les en informer alors que nous savons tous comment les médias décrivent l’Afrique; pauvre, avec les enfants au ventre ballonné avec des mouches en bordure de bouche, les guerres interminables…tout ce qui est triste et sombre, maladie ou guerre vient de l’Afrique. 

Beaucoup de discriminations les referment sur eux-mêmes. C’est une situation qui fait peur à certains parents plus sensibles qui préfèrent envoyer les enfants ailleurs dans des sociétés moins racistes et où le jeune est évalué en fonction de son savoir et non de la couleur de sa peau.

Mon expérience au Québec en a été une de ces sociétés où la couleur de la peau n’est pas si essentiel à l’obtention d’un emploi ou à la réussite sociale. C’est une société assez ouverte!»

 À la maternelle

 Après ma discussion enrichissante avec la belle Eva qui est maintenant une jeune mère de famille et plusieurs autres amies mères d’enfants métis, nous sommes toutes unanimes sur plusieurs points.

En effet, quand ils sont enfants à la maternelle, c’est différent, c’est innocent, on s’accepte tous, les cheveux frisés et ondulés sont très appréciés mais dans la cours des grands, c’est malheureusement un peu plus dur; il faut affronter les préjugés et y faire face et réagir ou subir.

 Nos enfants métis sont pour la plupart nés ici au Québec donc souvent ignorants de la vraie Afrique… ils découvrent malheureusement celle des médias triste et dévalorisante.

Donc si leurs parents ne leur font pas découvrir leur Afrique, ils ne pourront qu’être frustrés et donc renier ce côté moins valorisant et pourtant imprégné en eux.

Brun pâle de Trois-Rivières

 Dans le cadre familial, chaque parent a été éduqué d’une manière différente de celle de l’autre…en Afrique la fessé était utilisée, ici c’est interdit de poser la main sur un enfant…les parents en discutent et font des concessions…et trouve la bonne méthode éducative pour leurs enfants.

 Je ne sais pas comment dans quelques années mes fils réagiront face à tout cela mais pour l’instant, mon plus vieux de 5 ans chérit son Québec natal et adore son Afrique maternelle.

«Mon papa est Blanc, ma mère brun foncée et moi brun pâle de Trois-Rivières». répond-il fièrement à ceux qui lui demande s’il est Blanc.

Ce que je retiens de toute cette expérience de vie, c’est que ce n’est pas la couleur de la peau qui définit qui tu es vraiment et ce que tu deviendras dans la société. Ce sera donc à moi de leur transmettre ce message au quotidien en complicité avec mon époux et la grâce de la vie.