La décriminalisation des drogues s’invite au dernier jour de la campagne en Ontario
TORONTO — La cheffe néo-démocrate de l’Ontario a déclaré mercredi qu’elle travaillerait avec le gouvernement fédéral pour une décriminalisation de la possession simple de «drogues dures» si son parti formait le gouvernement, une approche que n’adopterait pas le Parti libéral.
Au dernier jour de la campagne électorale en Ontario, les partis ont été appelés à se positionner sur cette question après l’annonce, mardi, d’un accord de trois ans entre la Colombie-Britannique et Ottawa. L’entente, destinée à combattre les surdoses mortelles, prévoit que les citoyens de cette province pourront posséder jusqu’à 2,5 grammes de certaines drogues illicites sans être accusés au criminel de possession simple.
Le gouvernement de l’Ontario n’a pas soumis de proposition pour aller dans cette direction, mais le médecin-hygiéniste en chef de Toronto l’a fait plus tôt cette année.
La cheffe néo-démocrate, Andrea Horwath, a rappelé mercredi que la décriminalisation de la possession simple de drogues illicites faisait partie de la plateforme de son parti pour lutter contre la crise des surdoses.
Le NPD éliminerait aussi le gel imposé à l’établissement de nouveaux sites de consommation de drogues supervisée en Ontario et améliorerait l’accès aux traitements. Les néo-démocrates de l’Ontario ont également promis de déclarer une «urgence sanitaire» pour lutter contre la crise des opioïdes.
«Il s’agit de sauver des vies, et c’est ce que nous devons faire», a déclaré Mme Horwath mercredi lors d’un événement de campagne à Brampton. Elle a également rappelé que la décriminalisation en Colombie-Britannique — une première au Canada — avait été pilotée par un gouvernement néo-démocrate.
Les libéraux et les conservateurs
Lors d’un événement médiatique en après-midi à Toronto, le chef libéral, Steven Del Duca, a déclaré que la décriminalisation «n’était pas dans notre programme pour le moment», mais il a souligné d’autres mesures que son parti proposait pour lutter contre la crise des surdoses.
Ainsi, le Parti libéral relancerait un groupe de travail sur les opioïdes, élargirait l’accès au médicament naloxone et lèverait lui aussi le plafond fixé par le gouvernement conservateur sur les nouveaux sites de consommation et de traitement.
Le chef progressiste-conservateur, Doug Ford, ne devait pas répondre aux questions des médias mercredi, pour une deuxième journée consécutive, et son équipe de campagne n’a pas immédiatement répondu aux demandes de commentaires sur la question des drogues.
Le gouvernement Ford a changé en 2019 le modèle de traitement de la toxicomanie en Ontario, passant des sites d’injection supervisée à des sites de consommation et de traitement. À l’époque, 15 sites de consommation supervisée avaient été approuvés et certains sites de prévention des surdoses existants ont été contraints de fermer leurs portes.
Les conservateurs ont plafonné le nombre de ces sites à 21; ils ont approuvé cette année le 17e site.
Le chef du Parti vert, Mike Schreiner, qui espère ne plus être seul à Queen’s Park après jeudi soir, déclarait mardi que son parti travaillerait également avec Ottawa pour décriminaliser les drogues dures, affirmant que l’Ontario devait «agir de toute urgence» sur cette politique publique.
Des pressions du milieu
Il y a eu d’ailleurs en Ontario une pression importante pour la décriminalisation de petites quantités de drogues à usage personnel, y compris de la part des chefs de police et des maires des grandes villes. Le docteur Kieran Moore, médecin-hygiéniste en chef de la province, appuyait cette idée lorsqu’il était à la tête du bureau de santé publique de Kingston.
L’Ontario a récemment enregistré un nombre élevé de décès et d’hospitalisations liés aux opioïdes, les taux ayant considérablement augmenté après le début de la pandémie en 2020. Selon le bureau du coroner en chef de l’Ontario, il y a eu une augmentation de 58 % des décès liés aux opioïdes entre 2019 et 2020. Toronto a enregistré en 2021 une hausse de 74 % des décès par rapport à 2019, mais en légère baisse par rapport à 2020.
Carolyn Bennett, la ministre fédérale de la Santé mentale et des Dépendances, a déclaré mardi que la proposition de décriminalisation présentée par le Bureau de la santé publique de Toronto était à l’étude et qu’Ottawa prévoyait de travailler avec la Ville de la même manière qu’il l’avait fait avec la Colombie-Britannique.
Mais la docteure Tara Gomes, responsable du Réseau ontarien de recherche sur les politiques en matière de drogues, estime qu’adopter une approche localisée de la décriminalisation n’est pas la meilleure voie à suivre.
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– Avec des informations de Noushin Ziafai, Liam Casey et Maan Alhmidi.