Itinérance: «On a besoin de plus! On est insatiable!» lance le maire Marchand
QUÉBEC — Après des échanges tendus entre des maires et le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, la semaine dernière, le Sommet sur l’itinérance s’est soldé par un ton plus cordial des deux côtés. Malgré tout, les maires restent sur leur faim et attendent impatiemment de nouvelles mesures costaudes de la part de Québec pour faire face à l’explosion du nombre d’itinérants dans la province.
«On a besoin de plus! On est insatiable! Mais on n’est pas insatiable pour nos intérêts. On est insatiable pour les intérêts des gens dans la rue qui souffrent. (…) On en veut plus et on en veut plus rapidement!» a lancé le maire de Québec, Bruno Marchand, en point de presse vendredi.
«On en veut plus des réponses à la pièce. (…) Bien sûr que nos attentes sont plus grandes parce que quand on parle d’habitation, ça se chiffre à des millions et des millions», a affirmé pour sa part la mairesse de Montréal, Valérie Plante.
Les yeux des maires sont maintenant rivés sur la mise à jour économique de novembre qui sera déposée par le ministre des Finances, Eric Girard. Questionné à savoir si de l’argent neuf serait mis sur la table, le ministre Carmant n’a pas voulu s’avancer.
«Je pense qu’il faut demander à M. Girard, il travaille très fort. Il va sortir avec ça au mois de novembre», a-t-il simplement répondu.
Le ministre s’est d’ailleurs fait demander si son collègue des Finances était plus influent que lui. «Si on voit le besoin d’argent comme une chose importante, il est plus influent que moi. Mais si on voit les idées, je pense que je suis aussi influent», a-t-il soutenu.
Le président de l’Union des municipalités, Martin Damphousse, a lancé une pointe au gouvernement fédéral, car de l’argent pour le Québec dort à Ottawa.
«Tout le monde doit savoir qu’il y a 900 millions $ réservés au Québec. Mais aujourd’hui aucune municipalité ne peut déposer de projet parce que nous sommes dans l’attente d’un règlement entre le gouvernement québécois et le gouvernement canadien pour s’assurer que les sommes puissent être enfin débloquées», a-t-il expliqué.
Un nouveau dénombrement en 2024
Le ministre Carmant s’est engagé à faire un nouveau dénombrement des itinérants en 2024. «C’était mon intention au départ de le faire aux deux ans. Je voulais en faire un (dénombrement) en 2020, mais la pandémie a changé la donne. (…) Je souhaite d’ailleurs que l’on puisse aujourd’hui décider du rythme auquel ces dénombrements doivent se faire par la suite», a indiqué le ministre dans son allocution lors du sommet de vendredi.
Le maire Bruno Marchand souhaite, pour sa part, un dénombrement annuel et veut que les résultats soient dévoilés rapidement.
«J’attends les explications du ministre à savoir pourquoi en 2024. Et si c’est en 2024, il ne faudrait pas qu’on reçoive les résultats 12 mois plus tard», a lancé le maire.
Le dernier dénombrement date du 11 octobre 2022, mais les résultats ont été dévoilés mercredi dernier. Ce rapport indique que le nombre d’itinérants au Québec a augmenté de 44 % par rapport à 2018, année du précédent dénombrement.
«Si on n’a pas de dénombrement annuel, comment on fait pour savoir que les actions qu’on pose donnent les fruits escomptés», a ajouté M. Marchand.
La mairesse Valérie Plante accueille favorablement la proposition du ministre, mais rappelle qu’il y a des besoins criants ailleurs. «Avoir des données, moi je trouve que c’est essentiel. Ça nous permet, nous les décideurs, de prendre des décisions éclairées, mais en même temps, les besoins actuels à Montréal, mais pour tout le Québec, c’est du logement. Du lo-ge-ment!», a-t-elle insisté.
Pour amasser les données, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a déployé des centaines d’intervenants, de travailleurs de rue et plus de 1000 bénévoles pendant la nuit du 11 octobre 2022 dans 13 régions du Québec.
«Je prendrais son bras aussi!»
La mairesse de Gatineau, France Bélisle, s’est fait remarquer la semaine dernière en interpellant et en critiquant le ministre Carmant. Elle avait notamment dit qu’elle faisait la «job» du ministre à sa place. Vendredi matin en arrivant au sommet, Mme Bélisle était plus posée, mais elle a tout de même indiqué qu’elle s’attendait à des annonces de la part du ministre.
«Quelqu’un me disait: »est-ce que vous acceptez la main tendue de M. Carmant? » J’ai dit: »Bien sûr et je prendrais son bras aussi! »», a-t-elle lancé.
Dans le rapport de l’INSPQ, on indique que la pénurie de logements abordables fait partie des causes de cette augmentation. Le rapport stipule que le fait d’avoir été «expulsé de son logement, que ce soit pour non-paiement de loyer, reprise du logement ou tout autre motif» est un facteur qui contribue à précariser certaines personnes à risque d’itinérance. L’expulsion est d’ailleurs la principale raison évoquée pour la perte d’un logement.
Le ministre Carmant a d’ailleurs été questionné au début du sommet sur l’absence de sa collègue, la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau. «Je ne gère pas son agenda. (…) Le signal c’est que le gouvernement est présent. Je représente le gouvernement et on va aller de l’avant», a-t-il affirmé.
Le maire Marchand s’est fait demander si la ministre Duranceau avait été invitée. «Je ne peux pas vous dire si elle a été invitée ou pas. Tous les ministres étaient les bienvenus. Je pense que ça fait six mois que ça s’organise, les gens sont au courant. Si elle avait voulu être là, elle aurait pu être là. On lui aurait déroulé le tapis rouge.»
Jeudi, le ministre Carmant a annoncé 15,5 millions $ de nouvel argent pour faire face à l’importante augmentation de l’itinérance au Québec. Cette somme s’ajoute aux 4,5 millions $ déjà investis dans le budget.
Au final, ce sont donc 20 millions $ qui seront alloués par le gouvernement pour consolider et offrir des places en refuge en prévision de l’hiver.