Des blindés équipés de systèmes français au Soudan violeraient l’embargo de l’ONU

Des véhicules blindés fabriqués par les Émirats arabes unis et équipés de systèmes de défense français ont été saisis par l’armée soudanaise pendant la guerre civile au Soudan, a déclaré Amnistie internationale.

Dans un rapport publié jeudi, l’organisme de défense des droits de la personne a déclaré qu’il avait identifié les véhicules blindés de transport de troupes fabriqués par les Émirats arabes unis dans diverses régions du Soudan, notamment dans la région du Darfour, où ils ont été utilisés par les Forces d’appui rapide dans leur combat contre les forces armées soudanaises.

Amnistie internationale ajoute que la présence de véhicules militaires sur le champ de bataille «constitue probablement» une violation de l’embargo des Nations unies sur les armes à destination du Darfour.

La guerre civile a éclaté en avril 2023 après que des tensions latentes entre les Forces d’appui rapide (FAR) et l’armée soudanaise ont dégénéré en combats intenses à travers ce pays d’Afrique du Nord, où des violations généralisées des droits de la personne ont été commises.

Selon l’ONU, plus de 20 000 personnes ont été tuées dans ce conflit, tandis que 11,6 millions ont été déplacées de force, dont 8,3 millions de personnes à l’intérieur du pays et 3,1 millions de personnes qui ont fui vers les pays voisins.

Les affirmations du Soudan selon lesquelles les Émirats arabes unis auraient fourni aux FAR des armes qui ont prolongé la guerre de 18 mois ont été démenties par Abou Dabi.

Amnistie internationale soutient qu’elle a identifié la présence de plusieurs véhicules blindés de transport de troupes «Nimr Ajban» sur le terrain après avoir vérifié des images partagées sur les réseaux sociaux montrant les véhicules capturés ou détruits par l’armée soudanaise.

Les véhicules auraient été fabriqués aux Émirats arabes unis par Edge Group et équipés du système de défense réactive GALIX, fabriqué en France par Lacroix Defense et KNDS France, selon le rapport d’Amnistie internationale. Le système GALIX est conçu pour protéger les véhicules des menaces qui approchent en libérant des projectiles, de la fumée et des leurres, selon le site Web de Lacroix.

«Nos recherches montrent que des systèmes d’armement conçus et fabriqués en France sont utilisés sur le champ de bataille au Soudan», a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnistie internationale.

«Le système GALIX est déployé par les FAR dans ce conflit, et toute utilisation au Darfour constituerait une infraction évidente à l’embargo sur les armes de l’ONU, soutient Mme Callamard. Le gouvernement français doit veiller à ce que Lacroix Défense et KNDS France cessent immédiatement de fournir ce système» aux Émirats arabes unis.

«Respect des licences d’exportation»

En réponse à ce rapport, Lacroix Défense, dans une déclaration envoyée par courriel à l’Associated Press, a confirmé qu’elle avait fourni les systèmes GALIX aux forces armées émiraties pour l’utilisation de contre-mesures de protection contre la fumée.

«Ces livraisons ont été effectuées dans le strict respect des licences d’exportation accordées à Lacroix et des certificats d’utilisateur final associés», assure l’entreprise française.

Un porte-parole du gouvernement émirati a écrit de son côté dans un courriel que les Émirats arabes unis étaient la «cible d’une campagne de désinformation coordonnée visant à saper notre politique étrangère, notre rôle régional et nos efforts humanitaires».

«Il est à la fois scandaleux et inacceptable que les représentants des FAR continuent de porter des accusations contre les Émirats arabes unis, alléguant notre implication dans le conflit en cours», peut-on lire dans le communiqué, ajoutant que les Émirats avaient participé à des initiatives humanitaires pour aider les Soudanais dans ce conflit.

Les Émirats arabes unis ont déclaré avoir déclaré au Conseil de sécurité de l’ONU et à leurs partenaires internationaux qu’ils ne fournissaient ni soutien ni fournitures aux FAR ni à «aucune des parties belligérantes en guerre au Soudan».

Le mois dernier, les États-Unis ont sanctionné Algoney Hamdan Daglo Musa, un haut dirigeant des FAR et frère du commandant des paramilitaires, Mohamed Hamdan Daglo, pour avoir «dirigé des efforts» visant à fournir des armes tout au long de cette guerre.

Algoney Hamdan Daglo Musa contrôle Tradive General Trading, une société-écran basée aux Émirats arabes unis qui importait des véhicules au Soudan pour le compte des paramilitaires FAR et les équipait de mitrailleuses.