Une pratique au croisement de la danse et des arts visuels
L’artiste trifluvienne Justine Bellefeuille a une démarche bien à elle. Elle crée à l’intersection de deux médiums artistiques : la danse contemporaine et les arts visuels.
« Quand je crée une œuvre en art visuel, je me demande comment la danse peut apparaître là-dedans et quand je crée une danse, je me demande comment l’art visuel peut apparaître là-dedans. Ce que je cherche à faire parfois, c’est de créer des œuvres, soit en peinture ou en sculpture, qui peuvent générer du mouvement, puis devenir comme une partition pour la danse », raconte l’artiste.
Sa pratique pluridisciplinaire a d’ailleurs attiré l’attention de plusieurs organisations au cours de l’été 2023, comme Interzone – art actuel à Shawinigan. Justine Bellefeuille a ainsi présenté une œuvre visuelle dans la célèbre ruelle shawiniganaise, en plus d’y performer à deux reprises. « Avec le projet à Interzone, ce qui m’intéressait initialement c’était le déplacement des corps dans l’espace public ».
À la suite d’un travail universitaire où elle questionnait l’aspect non sécuritaire de certains déplacements en milieu urbain, elle s’est filmée en se déplaçant dans les rues de Montréal. Ce trajet a inspiré les formes de l’œuvre présentée dans la ruelle Interzone.
L’artiste émergente a également eu la chance de performer dans le cadre de la Biennale internationale d’estampe contemporaine (BIECTR). « Il s’agissait d’improvisations dansées, donc j’entrais dans la salle, je voyais l’œuvre et je regardais ce qui se passait de manière dynamique dans les œuvres. L’espace aussi que l’œuvre utilisait. Après ça, je voyais comment moi je m’intègre à cet univers-là qui n’est pas le mien ».
Performance de Justine Bellefeuille lors de Interzone – Art actuel à Shawinigan. (Photo courtoisie – Collectif instant)
Des inspirations féministes
En plus de travailler en mobilisant les deux formes d’art, la Trifluvienne s’inspire des enjeux qui l’entourent dans ses créations. Elle affirme avoir pour source d’inspiration principale les enjeux féministes. « J’ai été confronté à des hommes… et ça m’a éveillée sur certaines problématiques. J’ai un besoin de parler de ces enjeux parce qu’il y a clairement un problème et c’est encore d’actualité. C’est important de parler des enjeux féministes et d’avoir plusieurs artistes qui en parlent de manière différente ou de manière semblable ».
Dans sa démarche, les considérations féministes prennent diverses inclinaisons sur le plan du fond et de la forme. « Je travaille beaucoup le vase ou la forme du vase puisque je fais un lien avec le corps de la femme. Autant pour la forme du vase que pour un vase qu’on peut percevoir comme un objet utilitaire. Enfin, le cœur de ma recherche présentement c’est le vase qui contient, donc contenir et ne pas contenir », explique Justine Bellefeuille.
Comme l’artiste le relève, sa méthode de travail mobilise souvent des images issues du numérique. « Je crée des images sur Photoshop. Je pars des images que j’ai dans mon cellulaire, des images d’un peu n’importe quoi, puis je vais faire des close up sur des textures ou des couleurs ».
Elle raconte à titre d’exemple son projet universitaire intitulé Cocotte, avec lequel elle a remporté le Prix Lise Paillé du Sabord en 2020. « J’avais un poulet cru que j’ai simplement pris en photo. J’ai utilisé ces images-là en les rassemblant dans Photoshop, puis ça a créé une peinture assez abstraite. On voit l’aspect de la chair, on voit que ça semble être gluant, mais ça reste très abstrait. Bref, c’était une exploration sur le lien entre le corps de la femme et le poulet cru. Comment les deux se rencontrent finalement », soutient-elle.
L’enjeu de la danse contemporaine en région
Justine Bellefeuille ne s’en cache pas: la scène de la danse contemporaine au Québec se restreint quasi essentiellement aux salles de diffusion montréalaise considérant que la tournée est très peu possible. Il n’en demeure pas moins que l’artiste est optimiste pour la suite des choses. « Tranquillement on voit de l’intérêt pour la danse. L’effet Révolution a un réel impact, je pense, sur les gens et leur intérêt pour la danse. Ça ouvre une curiosité », témoigne-t-elle.
« Après ça, je crois qu’on a tendance à sous-estimer les publics en région. Ils sont amplement capables de prendre des œuvres contemporaines. Être confronté à certaines propositions, c’est positif. C’est exactement à ça que ça sert ce qu’on fait! »
Elle souligne à ce propos l’importance d’évènements comme le festival Mauricie Arts Vivants qui mettait de l’avant une programmation de performances contemporaines et qui se déroulait en milieu rural. Selon l’artiste, l’idée est de progressivement réfléchir à des solutions qui permettraient de faire vivre la danse contemporaine en région.