Possible déménagement de Tandem: « Pas assez loin », dit le CPE Premier Pas
« Je ne pense pas que d’installer Tandem une bâtisse plus loin va changer les habitudes de ces gens. »
Ces mots exprimés par Carole Robert, éducatrice au CPE Premier Pas, résument le point de vue des parents dont l’enfant fréquente la garderie et le personnel concernant un possible déménagement de l’organisme Tandem, actuellement voisin du CPE, deux adresses plus loin, dans le local qu’occupait anciennement le commerce Laferté Bicycles.
La Ville de Trois-Rivières a entamé une démarche réglementaire pour autoriser les usages « service de dépistage et de prévention des ITSS et drogues », ce qui n’inclut pas de site d’injection supervisée.
Une dizaine de personnes ont pris part à l’assemblée publique de consultation à ce sujet lundi soir.
On savait que la cohabitation entre l’organisme de lutte contre le VIH/Sida et les autres infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) et en consommation sécuritaire et le CPE voisin était difficile. Le fait de voir l’organisme déménager quelques mètres plus loin ne rassure pas davantage les parents dont un enfant fréquente le CPE ni les éducatrices.
« Lorsque Tandem est arrivé à côté en 2020, je n’avais pas conscience de leur présence. On a vu une progression assez importante des gens qui se tiennent sur le coin, sur les marches de Tandem, dans la ruelle entre leurs locaux et le CPE. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai vu des gens en situation de crise, des gens qui criaient, raconte Laura Rodrigue, maman de deux enfants fréquentant le CPE Premier Pas. Je dis oui à Tandem, mais pas à une bâtisse de la garderie. Les habitudes sont faites et sont bien installées. »
Une cohabitation « impossible »
« Quand on y pense, la SQDC (Société québécoise du cannabis) fait face à une réglementation plus sévère pour sa localisation et ne peut pas se trouver proche d’une école ou d’un cégep. Ces gens ont besoin de Tandem, mais je pense que la situation ne s’arrêtera pas même s’ils déménagent une bâtisse plus loin », renchérit Mme Robert.
Cette dernière en avait lourd sur le cœur. Elle a partagé quelques extraits de son quotidien aux quelques conseillers municipaux et fonctionnaires présents pour l’assemblée de consultation:.
« Depuis deux ans, on vit un cauchemar de trouver l’impensable dans la cour du CPE, témoigne-t-elle. On a trouvé des seringues, des pilules, des déchets laissés sur place un vendredi d’été. Ils rentrent dans notre cour. Un a laissé ses selles dans la cour de la pouponnière. Il y a les crises, les cris, la boucane de pot qu’on respire. On a des enfants qui se font traiter de tous les noms. »
« Tandem fait des efforts aussi et on a établi un réseau de communication, mais ça n’empêchera jamais les événements imprévus, commente à son tour la directrice générale du CPE, Alexandra Patry. La cohabitation de deux organismes aux missions si différentes, c’est impossible. Je ne pense pas que 10 mètres ou 40 mètres de distance fassent une différence. »
À la recherche d’un nouveau local depuis plus d’un an
Le directeur général de Tandem Mauricie, Sébastien Perron, rappelle qu’il est dans la mission de l’organisme d’offrir des services là où se trouvent les gens qui en ont besoin. « Beaucoup sont à pied, n’ont pas de voiture. Si on s’éloigne trop, on ne pourra pas réaliser notre mission. Peut-être qu’il y a un certain attroupement causé par la présence de Tandem, mais les gens dans la rue et dans la ruelle, ils sont là et si nous n’y sommes pas, il n’y aura que nous en moins », note-t-il.
Si le changement d’usage n’est pas adopté, l’organisme devra demeurer dans ses locaux à court terme.
Ce n’est pas faute d’avoir tenté de trouver un autre local plus éloigné du CPE. L’organisme a visité « beaucoup de locaux » depuis plus d’un an. Ceux-ci ne répondaient toutefois pas aux besoins ni à la responsabilité de l’organisme de rester proche de la communauté.
« Il y a des endroits à louer et à vendre, mais nous avons le budget d’un organisme communautaire. On n’a pas les moyens de se payer un bâtiment à n’importe quel prix, soutient Kate Larkin, gestionnaire communautaire chez Tandem Mauricie. Quand on a déménagé ici en 2020, le bâtiment convenait à nos besoins. On recevait beaucoup moins de personnes qu’aujourd’hui. Ce n’est pas aussi simple de trouver un local pour déménager un organisme communautaire, qui convient aux besoins et qui se trouve dans nos budgets. Pour l’instant, le bâtiment du 1513, rue Laviolette est la solution qu’on a, même si on est conscient que ce n’est pas tellement plus loin. »
« J’entends ce qui se dit. Il ne faut pas oublier que les usagers de Tandem sont des personnes qui ont besoin d’aide. Ce sont des humains qui ont droit à des services, plaide Bianca Desfossés, également présente lors de l’assemblée de consultation. La crise du logement et la crise des surdoses, c’est partout au Québec. Ce sont des crises existantes qu’il ne faut pas minimiser. Ce n’est pas parce que l’organisme est à côté d’une garderie qu’on retrouve plus de seringues que dans un parc ou un autre lieu public. Tant que le gouvernement n’investira pas plus d’argent dans les organismes communautaires comme Tandem et qu’on ne mettra pas en place plus de services, ça n’aidera pas. »
Les conseillers municipaux devront se prononcer sur le projet lors de la prochaine séance publique du conseil de ville, le 15 octobre. Si le conseil décide de l’adopter et d’aller de l’avant, un avis public sera diffusé le 23 octobre pour annoncer la possibilité de faire une demande d’approbation référendaire.