La Ville rejette le changement de zonage pour le Groupe Bellemare

Après des mois d’attente, de débats et de questions soulevées, le schéma d’aménagement visant à autoriser certaines activités industrielles de transformation des matières revalorisées sur le site de Sable des Forges, opéré par le Groupe Bellemare, ne sera pas modifié.

Le conseil municipal s’est prononcé sur la création de la nouvelle affectation du territoire « Revalorisation » à même l’affectation « Rurale » située le long du boulevard Industriel, dans le district des Forges.

Le vote s’est toutefois soldé par une égalité de sept contre sept, faisant en sorte que la résolution soit rejetée. Les conseillers Maryse Bellemare, Jonathan Bradley, Daniel Counoyer, Alain Lafontaine, Pierre Montreuil et Sabrina Roy, ainsi que le maire Jean Lamarche ont voté en faveur de la résolution, tandis que les conseillers Pascale Albernhe-Lahaie, Geneviève Auclair, François Bélisle, Dany Carpentier, Richard W. Dobert, Pierre-Luc Fortin et Luc Tremblay s’y sont opposés.

« On se retrouve dans le contexte où il n’y a pas d’acceptabilité sociale et où on n’a pas l’assurance que des mesures de mitigation seront mises en place. On avait la demande pour un bâtiment, mais en ouvrant le schéma d’aménagement, on ouvre à tout dans la norme d’industrie lourde. Cette norme est plus tolérante que celle applicable à un quartier résidentiel », commente Pierre-Luc Fortin, conseiller du district des Estacades.

Après avoir reçu plusieurs avis juridiques concernant une potentielle apparence de conflit d’intérêts considérant que le Groupe Bellemare commandite les Aigles dont il est le président, le conseiller du district des Carrefours, René Martin, a annoncé qu’il ne participerait à « aucune discussion ou délibération concernant de près ou de loin impliquant le Groupe Bellemare, incluant celle de ce soir ».

Rappelons que l’ancien schéma d’aménagement autorisait le Groupe Bellemare à tenir des activités industrielles, dont la revalorisation, sur son site du boulevard Industriel. Toutefois, cette autorisation n’a pas été transposée dans le nouveau schéma d’aménagement et de développement.

C’est lorsque l’entreprise a fait une demande de permis pour construire un bâtiment de tri optique du verre sur le site que l’entreprise a appris que le zonage avait changé depuis 2022, de sorte que tout le volet de revalorisation n’était plus autorisé sur le site. L’entreprise a aussi des terrains sur le boulevard industriel qui pourraient éventuellement être développés.

Depuis plusieurs mois, un groupe de résidents du secteur des Vieilles Forges incommodé par les activités industrielles de Sable des Forges sur le boulevard Industriel font part exprimé leurs inquiétudes et leur ras-le-bol face aux odeurs nauséabondes, au bruit, à la poussière et à la dégradation du ruisseau Lavoir.

Yannick Daviault, membre du Comité des Vieilles Forges, commente la décision des élus municipaux.

« Je suis conscient de ce que vivent les résidents du secteur, du fait qu’il y a des problèmes et que Bellemare a apporté des améliorations. Je sais qu’il n’y a pas moyen d’avoir les résidents et l’entreprise qui rament ensemble dans ce dossier. Il y a deux différences de point de vue excessivement opposées l’une de l’autre. C’est à nous de régler la situation pour qu’il y ait moins d’ambiguïté pour ces citoyens, même si ça ne fait pas leur affaire. C’est un compromis qu’il faudra mettre sur papier, en plus d’élaborer des points sur lesquels travailler pour arriver à une solution en fin de compte. Ça va se faire avec du temps et des efforts, avançait Alain Lafontaine, conseiller du district des Forges, avant la tenue du vote. Ce sera à nous d’imposer des conditions. S’ils veulent notre approbation pour la construction de dômes, ils devront répondre à ces conditions et travailler avec nous pour améliorer la situation. »

La Santé publique interpellée

Durant la séance, les conseillers Dany Carpentier, Geneviève Auclair, Alain Lafontaine, Sabrina Roy et François Bélisle ont suggéré de repousser la prise de décision plus tard, le temps de recevoir l’étude de la Santé publique sur la question.

« On parle de cohabitation entre un milieu industriel lourd et un milieu résidentiel et agricole. Il nous manque une donnée. Il nous manque l’étude de la Santé publique pour nous garantir qu’il n’y a pas de risque pour la santé », note le conseiller du district de Pointe-du-Lac.

« C’est un dossier très complexe, avec un long historique et beaucoup d’intervenants impliqués, sans qu’il y ait de solution idéale. La Direction de la Santé publique et le ministère de l’Environnement ne sont pas assez présents dans les discussions. On a vu des avis sommaires. Ce n’est pas suffisant. On a besoin qu’ils soient autour de la table pour discuter avec nous », plaide Geneviève Auclair, conseillère du district de Saint-Louis-de-France.

« Nous sommes dans un dilemme profond. L’entreprise établie montre qu’elle a un plan pour limiter les impacts, mais des citoyens nous disent que ces impacts sont insupportables. Aujourd’hui, des avis d’experts du ministère de l’Environnement et de la Santé publique sont toujours à être remis », mentionne Dany Carpentier, conseiller du district de La-Vérendrye.

En ce moment, la Direction de la Santé publique travaille sur une analyse des plaintes reçues par Bellemare et de quelles façons elles ont été traitées. Il n’est pas prévu que l’analyse évalue si les poussières rejetées sont dangereuses ou non pour les résidents à proximité. Pour sa part, le Groupe Bellemare assure que les poussières respectent les normes établies par le ministère de l’Environnement.

« Très déçu »

Présent à la séance publique du conseil municipal, le président de l’entreprise Groupe Bellemare, Serge Bellemare, s’est limité à dire qu’il était « très déçu » de la décision du conseil. « Malgré tout, nous demeurons résolus à poursuivre nos activités de recyclage et de revalorisation, et à travailler étroitement avec la Ville de Trois-Rivières pour corriger et régulariser cette situation. »

« L’adoption [de la résolution] aurait permis à l’entreprise de faire à la fois la construction d’un bâtiment de tri optique du verre, complémentaire aux installations existantes, mais surtout de réaliser l’ensemble de ses engagements visant à favoriser une cohabitation harmonieuse avec le voisinage », indique l’entreprise dans un communiqué envoyé aux médias au lendemain de la décision du conseil.

Serge Bellemare, président du Groupe Bellemare. (Photo Marie-Eve Alarie)

Lors de la rencontre citoyenne tenue le 26 juin, M. Bellemare mentionnait que « si le changement de zonage va de l’avant, on pourra faire la demande de permis pour construire le bâtiment de tri optique du verre, complémentaire aux installations existantes. S’il ne passe pas, on va continuer, mais on ne pourra pas faire des modifications ainsi que certains engagements d’internaliser des opérations, comme de mettre le silicate directement à l’intérieur. »

« Pour la suite des choses, je pense que c’est important de travailler tout le monde ensemble, de s’élever à un autre niveau et d’aider l’entreprise, que ce soit avec la Ville ou les citoyens. Dans d’autres situations, le Groupe Bellemare reste un leader dans l’industrie du transport et tout, souligne Yannick Daviault, membre du Comité des Vieilles Forges. L’entreprise apporte beaucoup à la société. Là, des choses n’étaient pas faites de la bonne manière. On voit qu’il y a des problématiques semblables aux États-Unis où tout est fait à l’intérieur des bâtiments pour éviter ces problématiques. Je pense que quelque chose de semblable pourrait être fait ici. »

Le Comité des Vieilles Forges met la Ville en demeure

Plus tôt dans l’après-midi, mardi, le Comité des Vieilles Forges a mis en demeure la Ville de Trois-Rivières afin qu’elle s’oppose au changement de zonage du terrain occupé par Sable des Forges. 

« Le Comité des Vieilles Forges exige que le conseil municipal de la Ville n’adopte pas le Règlement modificatif dont la légalité, l’impact sur la santé et la sécurité des citoyens et les risques importants pour la responsabilité de la Ville n’aient été correctement évalués », écrit le Comité dans sa missive en rappelant les impacts vécus par les résidents du secteur en lien avec les activités industrielles de l’entreprise.

Le comité citoyen dénonce la décision de protéger les « droits acquis » de Groupe Bellemare, affirmant qu’aucune démonstration claire n’a été faite de l’existence et de l’étendue de ces prétendus droits acquis. Inversement, l’ensemble des activités de concassage d’agrégats exercées par le Groupe Bellemare sur le terrain n’a pas été autorisé par le passé par la réglementation, soulevant des enjeux évidents ».

Le Comité des Vieilles Forges indique que ses membres « se verront contraints d’entreprendre les recours judiciaires appropriés » si la résolution devait être adoptée par les élus municipaux.

 Devant le résultat du vote de ce soir, il n’est pas précisé si le Comité ira de l’avant malgré tout avec des poursuites.