Fabriquer des maisons grâce à l’impression 3D
Pourrait-on voir une première maison modulaire imprimée en 3D au Québec d’ici trois ans ? C’est le projet que caresse le Regroupement innovant pour l’impression d’immeubles durables (RI³D-FRQNT) dont font partie David Myja, chercheur chez Innofibre, et Nicholas Joyal, technologue en architecture, enseignant au Cégep de Trois-Rivières et à Innofibre.
L’impression 3D de maisons est encore très marginale au Canada. À l’heure actuelle, le procédé d’impression d’une maison fonctionne un peu de la même façon que pour un projet réalisé à l’aide d’une imprimante 3D à petite échelle. Une forme prédéfinie est déterminée et l’imprimante 3D dépose un filament, couche par couche, en suivant la forme demandée. Pour une maison, le principe est le même, à la différence que l’imprimante 3D – de très grand format – superpose plutôt des couches de béton.
Toutefois, il ne se fait pas encore de maisons modulables en impression 3D.
« On veut faire de la construction modulaire, c’est-à-dire d’utiliser cette technologie d’impression 3D pour fabriquer des composantes en préfabrication et les assembler ensuite », explique Nicholas Joyal.
« Ça se fait dans d’autres types de matériaux. Nous, on veut se lancer le défi de le faire préfabriquer, ce qui permettra de contrôler les conditions de fabrication. Quand on est sur le chantier, c’est évidemment plus difficile en hiver. Cette méthode nous permettrait de produire à l’année », ajoute-t-il.
L’automatisation du procédé permettrait également de produire de jour comme de nuit et enlever certaines étapes de construction, ce qui pourrait contribuer à l’accélération des chantiers.
En plus de concevoir la méthodologie d’impression, l’équipe pluridisciplinaire du RI³D-FRQNT doit également penser au transport des pièces et à l’assemblage des immeubles modulaires afin que ce soit adapté au milieu de la construction du Québec, de même qu’à notre climat.
« Le transport est un enjeu important. Au sein de l’équipe, on peut compter sur l’expertise d’InnovLOG qui œuvre en logistique du transport. Mais c’est certain qu’il faut se pencher sur la distance, ainsi que le poids et la dimension des composantes qu’il faudra livrer, mentionne M. Joyal. On doit aussi s’assurer que le tout s’intègre bien au cadre bâti actuel. Ça fait en sorte qu’on n’imprimera pas la toiture, par exemple. On va plutôt ajouter une toiture plus standard. »
« L’idée n’est pas d’aller à l’encontre du Code du bâtiment, insiste Nicholas Joya. On veut vraiment adapter cette technologie au contexte actuel de la construction au Québec et que ça soit un peu la technologie d’un futur assez rapproché. »
Verdir le béton
L’objectif est également de rendre la construction de maisons modulaires plus écoresponsables en créant notamment des matériaux à faible bilan carbone, tout en augmentant le caractère écologique et écoénergétique de ces constructions.
« Le béton n’est pas le matériau ayant la moins grande empreinte écologique. Avec Innofibre, on est en train de travailler pour remplacer certains ingrédients du béton pour des matériaux plus naturels ou écologiques. Il y a beaucoup d’avancées à faire, mais on n’est pas les seuls joueurs à s’y intéresser. Par exemple, il pourrait s’agir de remplacer certaines parties de ciment par des matériaux comme la chaux, le chanvre ou des composés de bois. Pour Innofibre, le défi est de verdir le béton », précise Nicholas Joyal.
L’isolation du bâtiment sera aussi à réfléchir.
« Le béton est normalement plus réservé au commercial, à l’institutionnel ou aux tours de condos. Les enjeux pour le résidentiel plus léger, c’est qu’on veut adapter cette technologie plus structurale pour faire en sorte que les bâtiments respectent les normes de construction pour l’isolation et même surpasser cette norme d’isolation. »
Trois années pour imprimer une maison
Cette année, l’équipe du RI³D-FRQNT concentre ses recherches sur les obstacles potentiels et la conception du bâtiment. La deuxième année du projet sera consacrée à l’impression de sections de bâtiment pour valider des prototypes et en arriver avec la conception finale du bâtiment et de la méthode de fabrication, du transport et de l’assemblage. Au cours de la dernière année, on procédera à la construction des murs du bâtiment et à leur assemblage, tout en compilant l’ensemble des données du projet.
À terme, le jumelé sera remis à Habitat pour l’Humanité Québec qui soutient les familles ayant un revenu modeste à accéder à la propriété. L’organisme est toujours à la recherche d’un terrain pour accueillir le jumelé. « En ce sens, on est à la recherche d’une ville ouverte à l’innovation qui accepterait d’octroyer un petit terrain », note Nicholas Joyal en formulant le souhait qu’une ville de la région lève la main.
L’équipe impliquée dans le projet estime que cette innovation pourrait contribuer à diminuer la crise du logement en accélérant les chantiers de construction.
On se rappellera que Trois-Rivières affiche un taux inoccupation de 0,4 % et la Société canadienne d’hypothèque et de logement mentionnait, à l’automne 2023, qu’il faudrait construire 22 millions de logements au pays d’ici 2030 pour s’assurer de leur abordabilité pour tous.