Décrochage scolaire: un impact économique de plus de 700 M$ en Mauricie
Le décrochage scolaire aurait impact économique global variant entre 712 et 941 millions de dollars annuellement en Mauricie.
C’est ce qui ressort du rapport de recherche réalisé par Frédéric Laurin, professeur en économie à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) et spécialisé en développement régional, à la demande de la Table régionale de l’éducation de la Mauricie (TREM).
La perte de revenus annuels pour la Mauricie variant de 200,1 millions $ à 475,3 millions $selon la méthode de calcul utilisée. Cependant, l’impact économique total, qui inclut le coût du décrochage scolaire pour le gouvernement, varierait entre 712 millions $ et 941,7 millions $ annuellement.
Le rapport de recherche intitulé Décrochage scolaire: impact sur le développement économique et régional de la Mauricie fait également état d’un taux de décrochage scolaire de 15,9% en Mauricie, l’un des plus élevés dans l’ensemble des régions administratives du Québec. Par ailleurs, la proportion de la population n’ayant aucun diplôme s’élève à 14,7% dans la région comparativement à 9,7% dans l’ensemble du Québec.
Mais au-delà des répercussions économiques du décrochage scolaire, les impacts sociaux reliés au décrochage scolaire s’avèrent également importants: chômage, pauvreté, faible satisfaction au travail, problèmes de santé physique et mentale, comportements antisociaux, problèmes de consommation et de dépendance et grossesses précoces et non désirées.
« Je savais comme économiste que l’impact du décrochage scolaire était important, mais à ce point, je ne le savais pas. Au niveau économique, les chiffres parlent, mais quand on regarde l’ensemble des impacts illustrés par la littérature scientifique, que ce soit sur l’entrepreneuriat, la productivité, les comportements antisociaux, la pauvreté ou la santé, c’est impressionnant. Quand on regarde les risques de décès par maladie, l’espérance de vie d’une personne sans diplôme est entre 6 et 9 ans de moins qu’une personne diplômée. On constate aussi que les décrocheurs font moins de dons de sang, votent moins et représentent une plus forte proportion de la population carcérale », détaille Frédéric Laurin, professeur en économie à l’UQTR.
M. Laurin rappelle aussi que le décrochage scolaire vient limiter le potentiel de développement de la région en ayant un impact négatif sur plusieurs leviers du développement régional comme l’innovation et la créativité, la productivité des entreprises, l’entrepreneuriat, l’attractivité régionale et la mobilisation régionale.
« Plus une main-d’oeuvre est bien formée, plus elle peut combiner des connaissances et de nouvelles idées et soumettre tout ça aux patrons, car l’innovation peut venir de n’importe où. Ça vient du gars d’usine qui travaille sur une machine et qui sait comment l’améliorer, ça vient de la secrétaire qui parle à tous les clients et qui a des idées de développement de produits, note Frédéric Laurin. L’adaptation aux nouvelles technologies peut être plus difficile pour les personnes non diplômées. Aussi, l’école amène une façon de réfléchir et de résoudre des problèmes de différentes façons. »
Des groupes de discussion organisés en février
« Tout est parti d’une discussion avec une employeure qui disait qu’elle embauchait des jeunes de secondaire 2 en les payant 90 000$ par année et qu’ils sont bien heureux. Je disais que c’est sûr qu’ils sont moins productifs et moins compétents, mais je n’avais pas de statistiques pour appuyer ce que j’avançais, indique Mélanie Chandonnet, directrice générale de la TREM. Pour moi, ces données ne sont pas surprenantes parce qu’on savait que le décrochage a un impact considérable. Cependant, ces données seront très aidantes pour sensibiliser les élus et les employeurs sur les impacts du décrochage scolaire sur le développement économique. »
« Le portrait n’est pas très reluisant en Mauricie. On n’est pas dans les meilleurs de classe. Maintenant, il faut voir ce qu’on peut faire pour créer des outils et sensibiliser la population aux impacts socioéconomiques du décrochage scolaire, poursuit-elle. Cette étude met en lumière l’importance de s’unir pour favoriser la persévérance scolaire chez nos jeunes et de nous assurer de mettre en place toutes les conditions gagnantes pour qu’ils puissent obtenir un diplôme ou une qualification. Si l’on souhaite que ça s’améliore, il faut se doter d’une vision à long terme et prendre conscience que la persévérance scolaire n’est pas seulement une affaire d’école. C’est un enjeu de société. »
En ce sens, la Table régionale de l’éducation de la Mauricie profitera de la semaine des Journées de la persévérance scolaire pour organiser des groupes de discussion avec des employeurs de la région (14 février) et des élus municipaux et provinciaux (16 février). Ces activités d’échange permettront d’identifier les données à mettre de l’avant dans un prochain outil que la TREM souhaite mettre en place pour sensibiliser les décideurs à l’importance de leur rôle pour favoriser la persévérance scolaire des jeunes de la Mauricie.
« On veut d’abord les sensibiliser pour voir à quel point l’impact est grand, leur démontrer la différence entre l’embauche d’un jeune de 14 ans et un diplômé, puis quoi faire concrètement pour être en faveur de la persévérance scolaire, car il y a une différence entre dire qu’on est pour la persévérance scolaire et agir concrètement. Par exemple, ça pourrait être de donner une bourse », image Mme Chandonnet.
« On sait qu’un jeune de 15 ou 16 ans peut être intéressant à embaucher quand on manque de personnel, mais si ça fait qu’il n’obtient pas son diplôme, on se tire collectivement une balle dans le pied. Le prochain mur à surpasser pour le développement économique, ce sera d’améliorer le niveau d’éducation et la réussite scolaire. Ça permettra aussi de diminuer la pauvreté. J’oserais dire que ça nous prendrait une stratégie régionale intégrée qui inclut tout le monde: les écoles, les gouvernements, les municipalités, etc. Il faut que tout le monde s’y mette pour réussir », conclut M. Laurin.