Un souvenir doux amer pour Jean-François Bastien
Il y a vingt ans, un jeune homme de 24 ans de Saint-Boniface, passionné de musique et en quête de reconnaissance, s’apprêtait à entrer dans un tourbillon qui, à défaut de changer le monde, allait chambouler le reste de sa vie…
Pour commémorer le 20e anniversaire de Star Académie 2003 qui avait couronné Wilfred Lebouthillier, douze des 14 académiciens de cette première cuvée historique ont lancé la semaine dernière la chanson Du rêve à la réalité, écrite par Suzie Villeneuve.
La Mauricie n’avait pas échappé en ce début d’année à cette effervescence qui avait contaminé le Québec tout entier, d’autant plus qu’un des participants, Jean-François Bastien, un ancien louveteau de Saint-Boniface, y a fait bonne figure en se rendant au 8e des 10 galas qui y furent présentés. « On ne pouvait pas se préparer à ce qu’on allait vivre parce qu’il n’y avait pas de précédent à l’époque », se rappelle l’interprète de Je vais changer le monde.
Filmés 24 heures sur 24 dans un manoir pour des émissions diffusées en semaine, répétitions en vue d’un gala hebdomadaire avec de grandes vedettes regardé par près de deux millions de téléspectateurs, suivi d’une tournée partout au Québec comprenant une douzaine de spectacles à guichets fermés au Centre Bell. Du jour au lendemain, ces 14 inconnus étaient devenus des célébrités ne contrôlant plus leur destinée.
Derrière le sourire contagieux et le bandana qu’il affichait à l’écran, Jean-François Bastien était déjà père d’un enfant et s’apprêtait à en accueillir un second. « J’ai eu mon 2e fils pendant que j’étais là-bas. J’ai manqué les premiers mois de sa vie. J’avais à peine quelques minutes pour parler à ma femme qui venait d’accoucher et qui devait s’occuper du premier. C’était très difficile mentalement. Avec le recul aujourd’hui, je me rends compte que j’aurais dû demander de l’aide », confie Jean-François Bastien.
Celui qui réside aujourd’hui à Trois-Rivières reconnaît avoir vécu des moments mémorables avec Star Académie et qu’il s’investissait à 200% dans une aventure qui répondait à ses rêves les plus profonds. « Quand l’émission a pris fin, je pensais que c’était la fin du manège, mais non, c’était encore plus intense avec la tournée de spectacles. C’est là que j’ai fait le constat que j’avais perdu mon anonymat. Je ne connaissais pas sa valeur et pis là, je l’avais en pleine face. J’allais acheter une pinte de lait pis ça me prenait une heure avant de revenir à la maison. »
Machine à reculer dans le temps
Fans venant frapper sans invitation à la porte de sa maison à Saint-Boniface ou voler ses ordures pour y découvrir ce qu’il y avait dedans, Jean-François Bastien reconnaît que cette folie qui a ponctué sa vie en 2003 et 2004 a eu des conséquences pour la suite. « Ça m’a pris 15 ans à faire le ménage là-dedans. Avec ce que je sais aujourd’hui, j’aurais préféré ne pas y aller, mais en même temps, on a tellement vécu de belles choses. Si j’avais une machine à reculer dans le temps, je me serais donné un conseil : Ferme ta boîte et chante, un jour tu te reprendras. »
Si le natif de Saint-Boniface n’a pas eu la carrière des Marie-Mai, Marie-Élaine Thibert, Wilfred LeBouthillier ou Annie Villeneuve aussi issus de la cuvée 2003, il l’attribue justement à ce trait de caractère. « On m’a appris très jeune qu’il fallait nommer les choses, que ce n’était pas juste d’abuser des plus faibles. Mais j’ai aussi appris à mes dépens que ce n’est pas comme ça que ça fonctionne dans le show-business », raconte celui qui gagne encore professionnellement sa vie en présentant des spectacles un peu partout au Québec.
C’est aussi ce trait de sa personnalité qui l’avait incité à chanter l’hymne national lors d’un match du tournoi de la Coupe Memorial à Shawinigan en 2012 en dévoilant en direct un chandail dénonçant l’inaction du gouvernement conservateur de Stephen Harper en matière d’environnemnt. Une incartade qui lui avait valu de voir ses engagements ultérieurs pour l’événement annulés.
Réalisé sans la participation de Marie-Mai et Annie Villeneuve, l’enregistrement dans les derniers mois de la chanson Du rêve à la réalité lui a permis de revoir ses anciens collègues dont il est plus proche comme François Robin, Suzie Villeneuve, Émily Bégin et Élyse Robineault. « C’était le fun de se réunir. On a pu parler de l’impact que cela a eu sur nos vies. On était prêt à célébrer quelque chose qui a été important pour nous. Ce qui n’a pas toujours été le cas », conclut Jean-François Bastien.