Sortir du clergé : le parcours de Jacques Lessard
Jacques Lessard a fait paraître son premier livre intitulé Autopsie d’une sortie. Dans cet ouvrage, il retrace son parcours comme prêtre jusqu’à sa laïcisation.
L’idée de mettre en mots son expérience comme prêtre est née pendant les années pandémiques, alors que tout était en accalmie. Voilà qu’après plusieurs mois de travail et de révision avec son amie, l’autrice Louise Lacoursière, son ouvrage est maintenant disponible.
Jacques Lessard est ainsi le premier enfant d’une famille de 15. Il a quitté Saint-Paulin pour Shawinigan afin d’y compléter ses premières années d’école au pensionnat. Rapidement, la vie religieuse se manifestait autour de lui.
« Plus jeune, ce qui m’attirait dans le métier de prêtre, c’était d’être dans une profession où je pouvais avoir de l’impact. Pouvoir changer des choses. Aider le prochain à tout point de vue, que ce soit politique ou social », relève Jacques Lessard.
Il n’en demeure pas moins qu’il fut ardu au commencement d’adhérer entièrement à ce mode vie, notamment puisqu’il avait une copine. « C’était mon premier choix professionnel. Ça a été quelque chose, ça impliquait de laisser partir ma blonde de l’époque. Ça a été difficile… Je n’étais pas très religieux. Moi, je ne suis pas le gars très pratiquant. J’allais à la messe le dimanche, bien sûr, comme le reste de la famille. Puis, il y a eu un effet de gang dans tout ça. Dans ma gang de l’époque, plusieurs ont choisi ce chemin-là aussi. On était quasiment 40% à se retrouver au grand Séminaire ».
Après avoir complété son baccalauréat, Jacques Lessard envisageait faire carrière comme enseignant à Shawinigan. « Je m’attendais à enseigner au Séminaire Sainte-Marie parce que c’était souvent le cas à cette époque-là. Je reçois finalement ma lettre, puis ça dit »je vous rends le 1er août 1964, à La Tuque, à la paroisse Saint-Zéphirin », comme ça, sans prévenir ». C’est ainsi qu’avec stupéfaction, l’homme apprend en 1964 qu’il devra déménager pour La Tuque afin d’exercer la prêtrise.
Coach de vie des années 60
« Mais c’était sensationnel. Ah! Écœurant. C’était écœurant ces années-là ». De ce fait, malgré l’effet de surprise, ces années de pratiques à La Tuque furent mémorables selon lui. « Être près du monde. Moi, ce que j’aimais, c’était ça. J’allais à tout ce qu’il y avait de réunion publique ou politique ».
Il a notamment lors de célébrations religieuses fait la confesse des clients de la Taverne Baudet de La Tuque, dans le bureau du gérant. Il était également aumônier du club de motards.
« J’avais des consultations auprès de toutes sortes de monde. Des gens me demandaient de l’aide souvent. Par exemple, j’ai eu une fille qui faisait de la prostitution. À un moment donné, elle me demande de l’aide alors je l’ai référée. Moi, je n’acceptais pas de donner des conseils dans ce que je ne connaissais pas. Je les redirigeais », souligne-t-il.
« J’enseignais également en secondaire 5 à La Tuque. On donnait les deux éléments syntaxe et méthode. J’ai enseigné à Camille Bouchard, l’ancien ministre. D’ailleurs, la première boîte à chansons qu’on a partie avec la gang, c’était dans le garage de son père. Ça a duré 5-6 mois avant que le club latuquois nous accueille. On a pris le deuxième étage ». Jacques Lessard fut ainsi l’un des cofondateurs de La cayute, boîte à chansons.
Jacques Lessard était un prêtre qui priorisait une approche humaine, plutôt que strictement religieuse. « J’ai été un influenceur si on nomme ça dans le nouveau vocabulaire! Un influenceur, ou un coach de vie si on veut. Je m’adaptais au monde ».
Sans trop s’y attendre, Jacques Lessard reçut en 1970 une lettre l’informant qu’il devrait quitter La Tuque prochainement. « L’évêque m’envoyait faire mon doctorat en théologie à Ottawa. Moi, je ne voulais pas aller là parce que la théologie fondamentale ne m’attirait pas beaucoup. Ma force, c’était plutôt la communication avec les gens », affirme-t-il. Le prêtre compléta finalement une maîtrise en théologie à Ottawa et fut ensuite assigné à l’école secondaire du Cap-de-la-Madeleine.
« J’étais responsable de douze professionnels d’enseignement. Il y avait deux mille cent étudiants. C’était une grosse école. Puis, j’y ai rencontré Diane. J’étais responsable de la pastorale. Ce que j’ai relevé à ce moment-là, c’est que moi, je voulais des enfants. Il ajoute, je me suis dit, »je ne suis pas fait pour ça, mais je l’ai essayé ». Puis je constatais que j’allais toujours être hors d’ordre. J’allais être obligé de me cacher, vivre dans l’ombre, vivre dans le mensonge ».
Laïcisation
C’est ainsi qu’à l’âge de 31 ans, Jacques Lessard a décidé de quitter la vie religieuse et demander une laïcisation. Diane, qu’il rencontra dans le cadre de cet emploi est encore aujourd’hui sa conjointe.
Il admet somme toute que les mois qui suivirent ont été difficiles. Il se retrouvait entre la recherche d’un nouvel emploi et des questionnements à savoir s’il avait fait le bon choix.
Dans ces derniers temps comme prêtre, Jaques Lessard côtoya le supérieur Melançon, l’un des membres fondateurs du Collège Laflèche. Celui-ci lui a offert un poste de responsable des services étudiant, titre qu’il a occupé pendant 14 ans à la suite de sa laïcisation. L’homme a ensuite travaillé à la ville de Trois-Rivières pour l’organisation du 350e anniversaire, s’est impliqué à la gestion de la salle J.-Antonio-Thompson, a été directeur de Télé-Québec pour les régions de la Mauricie et du Centre-du-Québec et plusieurs autres.
Celui qui habite aujourd’hui Trois-Rivières reconnaît avoir apprécié lors de sa vie pastorale les moments de silence, élément qu’il reproduit encore aujourd’hui. « Une chose que j’ai adorée, c’était les périodes de silence. Une solitude productive. Partout, même chez moi, je crée des moments pour me retrouver. C’est l’héritage de cette époque-là ».
L’ouvrage Autopsie d’une sortie est le témoignage de son parcours comme prêtre. Le livre est présentement disponible à la Librairie Poirier de Trois-Rivières et Shawinigan.