«Il faut en parler» : briser l’isolement des hommes victimes d’agression

L’organisme Entraide Mauricie–Centre-du-Québec pour hommes agressés sexuellement dans l’enfance (EMPHASE) lance une nouvelle campagne de sensibilisation. L’Emphase souhaite briser les tabous entourant les agressions sexuelles subies par des victimes masculines.

La campagne a pour thème «Il faut en parler». Elle misera sur les réseaux sociaux pour sensibiliser la population et les organismes à la question. Près d’une cinquantaine de personnes ont participé au dévoilement de cette campagne. Parmi elles, des hommes victimes d’agressions venus témoigner de leur expérience et soutenir l’initiative, encore fragilisés par les traumatismes qu’ils ont vécus et le poids des tabous. Et des mots qui font mal: lien de confiance brisé, manipulation, culpabilité, banalisation, apparences trompeuses.

Intervenir auprès des hommes agressés sexuellement est une affaire délicate. «Les statistiques nous disent qu’un homme sur 10 a été victime d’agression sexuelle, le plus souvent dans son enfance. Il attend en moyenne environ 40 ans avant d’en parler. C’est toujours un immense traumatisme qui est accompagné de séquelles importantes», raconte Jean-Marc Bouchard, fondateur de l’Emphase et lui-même victime de tels abus.

«D’en parler permet d’atténuer les traumatismes, de favoriser la guérison. Et ça profite autant à la victime, qu’à ses proches et qu’à l’ensemble de la société». L’Emphase veut «encourager la discussion. Les hommes sont souvent perçus comme invincibles et imperturbables». On ne soupçonne pas qu’ils puissent en être victimes.

Il est de toute évidence difficile de percer la carapace de ces hommes ébranlés par ce traumatisme. Qu’ils puissent parler de ce qu’ils ont vécu, le premier pas vers une guérison. «Il faut être à l’écoute, laisser venir l’homme à soi. Le croire aussi quand il vous dit qu’il a été abusé et ne pas le juger», précise Jimmy Simard, intervenant responsable des services chez Emphase.

Les abus sexuels qui minent bien sûr la santé psychologique, physique et émotionnelle des victimes affectent leur vie conjugale et parentale. Les séquelles de tels abus s’aggravent au fil du temps, rapporte la littérature. Pourquoi les hommes attendent-ils donc si longtemps avant d’en parler? Qu’est-ce qui les pousse à le faire? « Les facteurs déclencheurs varient d’un homme à l’autre», ajoute M. Simard.

«Certains vont en entendre parler dans les médias et ensuite faire appel aux ressources. D’autres réagissent à une séparation, à des changements professionnels subits» qui font ressurgir des traumatismes bien enfouis. Il faut en parler.

Avant l’Emphase, aucun service spécialisé n’était offert aux hommes victimes d’agressions sexuelles en Maurice/Centre-du-Québec. L’organisme fondé en 2014 répond maintenant à un besoin manifeste. Près de 125 hommes se sont déjà prévalus des services de l’Emphase. L’Emphase qui met à leur disposition des groupes de soutien et des rencontres individuelles où ils comprennent enfin qu’ils ne sont pas seuls à vivre avec le lourd fardeau.

«Ça touche beaucoup de monde ». Il est important de démystifier les stéréotypes qui entourent les hommes victimes d’agressions et qui deviennent un frein à la divulgation ». Ces attitudes contribuent à leur peur d’être jugés, affirme Marie-Andrée Rousseau, directrice de l’Emphase.

Et d’étendre le réseau de soutien et de référence, outiller les réseaux partenaires et les intervenants à mieux reconnaître les manifestations d’agressions sexuelles et les besoins particuliers de cette clientèle, est alors de première importance. D’autant que « a majorité des hommes nous sont référés par d’autres professionnels et intervenants», note M. Simard.

Accroître la présence de l’Emphase auprès des organismes de la MCQ est l’un des objectifs de la campagne, précise Marie-Andrée Rousseau, directrice de l’Emphase.

L’Emphase articule sa campagne de sensibilisation autour des médias sociaux. Tous peuvent y contribuer: les proches des victimes, les intervenants psychosociaux et la population en général.

Les citoyens peuvent à leur tour participer à cette campagne en partageant des guides et les visuels produits sur leurs comptes Instagram, Twitter et Facebook en utilisant le #prendreconscience. Des visuels et vidéos de sensibilisation sont dès à présent mis à la disposition du public.

Pour joindre l’Emphase: www.emphasemcq.org, www.facebook.com/emphase.mcq, 1-855-519-4273.