Le projet de quartier général de la police passe à 84 M$

C’est lors de la séance publique du 17 octobre que le conseil municipal devra se prononcer sur un règlement d’emprunt de 84 M$ pour agrandir et rénover le quartier général de la police, de même qu’y déménager la Cour municipale.

Le projet prévoit la construction d’un bâtiment neuf à l’arrière du quartier général qui ne sera pas connecté au bâtiment actuel. Dans le bâtiment déjà existant, le sous-sol sera réaménagé pour accueillir des locaux plus administratifs, tandis que la cour municipale serait relocalisée au rez-de-chaussée.

Construit en 1987, le quartier général a été bâti pour accueillir 105 membres du personnel. Aujourd’hui, il en accueille 255, soit 140 % de plus que ce pour quoi il a été érigé, sans que le bâtiment n’ait connu d’amélioration majeure depuis. 

Le bâtiment actuel ne répond plus aux normes en matière de santé et sécurité ni aux besoins opérationnels: le bloc cellulaire est non conforme aux recommandations du ministère de la Sécurité publique; la configuration fait en sorte que les victimes peuvent croiser les suspects; les salles d’entrevue et d’interrogatoire sont insuffisantes pour les enquêtes; les vestiaires sont trop exigus pour le personnel des différentes équipes et le bâtiment actuel rend impossible l’ajout de services.

La facture du projet a toutefois explosé dans les dernières années. Alors que la Ville avait prévu un montant de 25 M$ au Plan triennal d’immobilisations (PTI) 2022-2023-2024, ce montant avait grimpé à 50 M$ il y a environ un an.

Des 84 M$, une part de 15 M$ servira à l’aménagement de la cour municipale au QG, tandis qu’une somme de 20M$ serait réservée pour les frais de contingence, c’est-à-dire pour couvrir les risques potentiels du projet et assumer des coûts imprévus.

En raison de l’importante hausse des coûts, le PTI devra être augmenté en 2025, 2026 et 2027. « On serait donc en surprogrammation au niveau du PTI pour trois années. Ça implique une hausse de la dette, mais on resterait dans les ratios visés », précise Robert Dussault, directeur général adjoint – Planification à la Ville.

Il y aurait ainsi un écart de 10 M$ sur le PTI en 2025, 10 M$ en 2026 et 9 M$ en 2027. L’impact sur le service de la dette se fera ressentir à partir de 2027.

Vers un vote

On peut s’attendre à ce que cela fasse l’objet d’un débat à la prochaine séance puisque le conseiller du district de Pointe-du-Lac, François Bélisle, a déjà annoncé son intention de demander le vote sur la résolution.

« J’espérais qu’il y ait une ouverture pour enlever la cour municipale du projet. On ne revient pas sur les décisions du passé qui ont priorisé d’autres infrastructures, mais on a fait un exercice sain pour la gestion du projet de rénovation de la salle Thompson. On avait un projet Wow, mais on n’avait pas les moyens pour tout faire et on l’a diminué. Et ce projet est subventionné », fait-il remarquer.

Le directeur de la Police de Trois-Rivières, Maxime Gagnon, rappelle que plusieurs études ont été faites depuis 2016. « Neuf terrains ont été étudiés pour localiser le quartier général dans un bâtiment neuf ou existant. L’étude a révélé que stratégiquement, les activités devaient être centralisées là où elles le sont présentement pour que la desserte de la ville soit optimale, précise M. Gagnon. D’autres facteurs devaient être pris en considération. Par exemple, quand les voitures partent en urgence, on ne veut pas qu’elles partent dans des rues résidentielles. »

Maxime Gagnon, directeur de la Police de Trois-Rivières. (Photo archives – Marie-Eve Alarie)

Une éventuelle séparation des sections dans divers bâtiments a également été analysée. M. Gagnon affirme que cela ne serait pas optimal au quotidien dans le travail des policiers.

« On le vit en ce moment avec une partie de nos employés qui sont au Cap-de-la-Madeleine. L’équipe opérationnelle fait sa réunion matinale au Cap le matin, mais doit ensuite venir à Trois-Rivières pour récupérer son équipement. Ça occasionne des problèmes de perte de temps. On veut une police de concertation et un rapprochement avec les citoyens, mais l’équipe qui développe ce volet ne fait pas partie du Quartier général. C’est difficile de provoquer des échanges entre les policiers du QG et l’équipe sociocommunautaire », explique le directeur de la Police de Trois-Rivières.

« On reste à l’idée de base que les policiers veulent être centralisés à la même place et la cour municipale aussi. Il faut y aller selon nos moyens, renchérit M. Bélisle. Cependant, avec le budget qu’on a, à l’ère où même ici à la Ville on tient des réunions sur Teams, je me dis qu’un enquêteur peut parler à un policier patrouilleur par Teams alors qu’il est ailleurs. On ne m’a pas convaincu. Il faut être novateur dans la gestion de ce dossier. »

Le directeur de la Police de Trois-Rivières plaide toutefois que les policiers ne peuvent pas travailler avec une plateforme comme Teams puisque les policiers n’ont pas de postes informatiques.

« Ils ont un poste dans le véhicule ou dans les salles de rencontre, mais les échanges d’informations ne se font pas par courriel. Tout se fait en échanges et en rencontres. On a des rencontres trois fois par jour, à raison de 20 minutes chacune. Les gens vont naturellement se croiser dans le poste de police et se parler à longueur de journée, mais ils ne prendront pas le temps de s’appeler sur Teams. Le renseignement criminel est le nerf de la guerre. Pour que ça fonctionne bien, il faut que les gens soient réunis en un seul endroit », affirme M. Gagnon.

Une vision sur 25 ans

Le projet d’agrandissement et de rénovation du quartier général du boulevard des Forges a été pensé pour avoir une durée de vie d’au moins 25 ans.

« On ne veut pas que l’agrandissement soit complet à 100% au jour 1, surtout que la ville continue de grandir. On aura assez de vestiaires, stationnements, etc. pour 25 ans, soutient Maxime Gagnon. Par exemple, on intervient de plus en plus sur des cas impliquant des troubles de santé mentale. On a une travailleuse sociale présente au bureau et c’est sûr que dans les prochaines années, d’autres s’ajouteront. On a prévu des endroits pour ces personnes, tout comme on aura des bureaux libres pour de nouveaux cadres dans l’organisation. La salle de rassemblement des policiers est prévue pour 32 personnes. On devrait être correct pour 25 ans sans problème et sans exagérer. »

De nouvelles normes pour la cour municipale

Récemment, le Barreau du Québec, le ministère de la Justice et le Conseil de la magistrature ont émis des recommandations sur les normes des cours municipales du Québec. « On a beaucoup de non-conformité en lien avec ces recommandations qui risquent de devenir obligatoires, avise Annie Pagé, directrice générale adjointe – Proximité à la Ville de Trois-Rivières. Faire les travaux de la cour municipale plus tard ferait en sorte que ça coûte plus cher, tandis qu’on a l’opportunité de profiter de l’agrandissement du Quartier général de la police pour l’aménager à l’intérieur du bâtiment. »

En ce moment, la salle multifonctionnelle ne respecte pas l’indépendance judiciaire. Par ailleurs, l’accès de la magistrature à la cour municipale se fait par une porte publique et la magistrature ne possède pas de locaux exclusifs. La cour municipale trifluvienne ne dispose pas non plus de local pour les avocats de la défense et leurs clients. Ceux-ci sont contraints à discuter dans les corridors ou à l’extérieur.

« Ça ressemble plus à une salle communautaire qu’à une cour de justice. Joindre la cour municipale au projet du QG permettrait d’avoir l’espace suffisant pour se conformer à ces normes, car à moins de prendre l’espace de la bibliothèque [Maurice-Loranger], on ne peut pas agrandir par l’intérieur », souligne Alex Hamelin, directeur des services juridiques à la Ville.

« C’est aussi pour une question de sécurité, poursuit-il. Dans les trois dernières années, il y a eu des menaces de mort envers le personnel, deux vols de coffre-fort sont survenus durant la nuit et la porte principale a été défoncée à coups de brique. Cela éviterait aussi aux policiers devant témoigner de perdre trop de temps à attendre le moment de leur témoignage puisqu’ils seraient à côté. »

Dans les prochaines semaines, le plan fonctionnel et technique du projet de quartier général sera complété. Ce plan permet d’établir les exigences relatives à l’organisation fonctionnelle, opérationnelle et physique des lieux. Si le conseil municipal donne son aval au projet, un appel d’offres pour obtenir les plans et devis sera lancé en vue d’octroyer le contrat de construction en 2025.