Journée sans Meta, la Loi C-18 et le bras de fer avec les géants du web
Le 15 septembre 2023, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) invite le public, ainsi que les acteurs politiques, sociaux, économiques et culturels à se montrer solidaires des médias et des journalistes de partout au pays. Pendant 24 heures, elle demande le silence complet sur les plateformes de Meta, soit Facebook et Instagram. C’est aussi ne pas ouvrir ses applications pour suivre ce qui s’y passe.
En guise de riposte à la Loi C-18 du Canada, Meta a décidé de bloquer les nouvelles des médias canadiens sur ses plateformes. Elle empêche aussi la population canadienne de consulter les médias internationaux sur Facebook et Instagram. Cette tentative d’intimidation et de chantage économique n’a pas sa place en 2023. En participant à la journée du 15 septembre, nous enverrons un message à Meta que nous n’acceptons pas son chantage.
C-18, c’est quoi ça ?
C’est une loi adoptée par le Parlement canadien qui oblige les géants du web comme Meta et Google à négocier des ententes de partage de revenus avec les médias canadiens. La nouvelle loi entrera en vigueur en décembre prochain.
Pourquoi a-t-on besoin d’une telle loi ?
Les géants du web accaparent maintenant 80% des revenus publicitaires numériques au Canada, sans produire de contenu. On parle d’un montant annuel de 8 milliards de dollars. Les médias ont désormais accès à une pointe de tarte des revenus publicitaires qui rétrécit à vue d’œil, ce qui met en péril leur survie.
Pourquoi viser les géants du web ?
Ces entreprises sont les câblodistributeurs du 21e siècle. Le modèle de la câblodistribution existe depuis des années, sans que personne n’y trouve rien à redire. Les câblodistributeurs paient des redevances aux producteurs de contenus. Tout le monde y trouve son compte. Il n’y a aucune raison pour que les géants du web ne fassent pas leur part, comme les câblodistributeurs.
Mais Meta permettait gratuitement aux médias de partager leurs contenus, non ?
C’est vrai. Mais selon Jean-Hugues Roy, professeur à l’École des médias de l’UQAM, le journalisme canadien a permis de rapporter à Facebook 193 millions de dollars en 2021. L’objectif de la Loi sur les nouvelles en ligne est qu’une partie de ces revenus soient reversée aux médias afin qu’ils puissent continuer leur travail, qui bénéficie également à Meta.
Si les médias ne sont pas capables de s’adapter, pourquoi les géants du web devraient-ils les aider ?
Ce message circule abondement, mais il est faux. Depuis des années, les médias cherchent des solutions pour prendre le virage numérique. Aujourd’hui, les médias ont tous un site internet. Plusieurs ont une application mobile qu’on peut consulter sur un téléphone portable, ou une application pour tablette. Ils multiplient aussi les initiatives pour adapter leurs contenus au monde numérique. Leurs efforts ne sont pas toujours couronnés de succès, mais affirmer qu’ils ne font rien est un mensonge.
Où est le problème alors ?
Le vieux modèle est brisé. Il est de plus en plus difficile pour les médias de monétiser leurs audiences afin de générer des revenus suffisants pour produire de l’information. Un défi d’autant plus grand que bon nombre de lecteurs sont de moins en moins intéressés à payer pour consulter un média. Il y a évidemment des exceptions, mais la tendance de fond est lourde. En parallèle, produire de l’information a un coût. Selon des chiffres dévoilés par le syndicat Unifor, en 2018, produire une nouvelle coûte en moyenne 331$, un dossier, 2310$, et une enquête journalistique, 10 700$.
Pourquoi le 15 septembre ?
Il s’agit de la Journée internationale de la démocratie. Le droit du public à une information fiable et vérifiée contribue à une saine démocratie, si bien que ce jour est tout désigné pour une #JournéeSansFacebook et une #JournéeSansInstagram.
Pourquoi est-ce important de montrer son soutien à la FPJQ ?
La FPJQ représente quelque 1600 journalistes au Québec, qui travaillent dans les médias écrits, à la radio et à la télévision. Elle ne représente pas une entreprise en particulier, mais bien les artisans de l’information au Québec, qu’ils soient reporters, chroniqueurs, photographes, infographistes ou vidéastes, et ce, peu importe le média pour lequel ils travaillent.
N’est-il pas déjà trop tard pour sauver les médias ?
Pas du tout! Il n’est pas trop tard pour agir. On peut aimer un média et ne pas en apprécier un autre, mais personne n’est gagnant quand des médias disparaissent. C’est un enjeu trop important pour que le public soit laissé sur les lignes de côté et n’ait pas son mot à dire.
(Contenu produit par la Fédération des journalistes du Québec)