Embellir bien plus que des rues

Pour un deuxième été consécutif, l’organisme Point de rue s’occupe d’entretenir le centre-ville grâce à un programme qui renforce l’inclusion sociale des travailleurs qui se chargent de ramasser les déchets et de nettoyer les rues. Le projet a connu un beau succès l’été dernier, si bien qu’il est reconduit pour une plus longue période cette année.

Issu d’une collaboration entre Innovation et Développement économique Trois-Rivières, la Société de développement commercial du centre-ville de Trois-Rivières et Point de rue, ce projet pilote permet de garder les rues du centre-ville plus propres tout en mettant en valeur le potentiel des travailleurs. Ces derniers bénéficient des services de l’organisme Point de rue qui vient en aide à des personnes en situation d’exclusion sociale ou d’itinérance.

Le coordonnateur adjoint de Point de rue, Chad Badger, considère que tout le monde est gagnant avec ce genre d’initiative. La SDC est entrée en communication avec l’organisme, qui a déjà été impliqué dans divers projets, en soulevant l’enjeu de la propreté du centre-ville.

« On peut trouver la solution pour ce problème-là. Tout le monde pense que les gens dans la rue sont lâches, ne veulent rien savoir. C’est totalement le contraire. Tout le monde cherche juste une place dans la société. Nous, c’est sûr qu’on a du monde qui veut embarquer là-dedans. Eux ont trouvé le budget, nous on gère les employés. Des deux côtés, nous sommes est très contents. »

Le directeur général d’IDÉ Trois-Rivières, Mario De Tilly, décrit les raisons de l’implication de son organisation. « Outre l’économie et l’environnement, le volet social est l’un des trois piliers du développement durable. Il fait donc partie intégrante de nos valeurs. Les travailleurs participants rendent notre ville plus belle et plus attractive, ce qui est particulièrement intéressant en pleine saison touristique. Il contribue à l’intégration sociale de ces personnes et a un impact positif sur leur parcours. »

La présidente de la SDC, Joanie Turcotte, ajoute: « On constate les impacts, à la fois sur le plan humain pour les personnes impliquées, que sur l’amélioration du mieux vivre ensemble et de la propreté de notre beau centre-ville. C’est pourquoi nous avons prolongé l’initiative de mai à octobre, au lieu de juillet à octobre. »

Un pas vers la réinsertion sociale

Les travailleurs embauchés franchissent un pas de plus vers la réinsertion sociale en assumant des responsabilités qui se rapprochent de celles d’un emploi, ce qui apporte des bienfaits selon Allan, un des participants au programme.

« C’est de réapprendre une routine. Quand tu ne travailles pas, tu te couches à 4h du matin. Quand tu es obligé de venir, tu te dis:  »Demain matin je travaille, je me couche de bonne heure. » Je ne veux pas décevoir mon employeur en ne me présentant pas. Ça crée une routine comme j’ai déjà eu, c’est bien. »

Le coordonnateur adjoint abonde dans le même sens. « Tu as des choses positives puis tu bâtis là-dessus. Si tu n’as jamais rien de positif qui arrive, tu vas juste rester à la même place puis rien ne va changer. »

Allan représente bien l’exemple qu’on peut être à quelques revers seulement de voir son niveau de vie diminuer drastiquement et de basculer dans la pauvreté. « J’ai travaillé une bonne partie de ma vie. J’ai eu de bons emplois et j’ai tout perdu un moment donné. Je gagnais 66 000 $ par année. Je suis tombé à 600$ par mois. »

Un autre participant, Sébastien, vit dans la rue de façon volontaire. « C’est un choix personnel. » Il prend son travail très à cœur et il apprécie particulièrement le lien avec la nature. « Quand je fais une sortie, j’aime ce qui accompagne le travail, le chant des oiseaux. On est en contact avec les animaux, la nature. J’aime travailler dehors. »

Sébastien a pris part au programme l’été dernier. Chad Badger décrit son cheminement depuis.

« Sébastien a réussi à se trouver un emploi quand le projet s’est terminé. Je trouve ça impressionnant: il a gardé cet emploi tout l’hiver sans avoir de place où dormir. Aussi, un magasin en ville lui donne quelques heures pour faire du ménage. Il reste dans la rue, mais il est là à tous les matins, toujours prêt à partir, toujours content de commencer sa journée. Si nous on dormait dehors, je ne suis pas sûr que nous serions si contents d’aller travailler le matin. Lui, oui. Ça prouve quelque chose. »

« C’est gratifiant »

La rémunération que les travailleurs reçoivent est versée sous forme de carte-cadeau pour de l’épicerie ou des vêtements ou encore de l’argent pour les aider à payer le loyer.

Un autre impact positif qui se remarque sur le terrain, c’est le regard que les passants posent sur eux. Il n’est pas rare que des citoyens, des touristes et des commerçants les saluent et les remercient de leur travail.

« Le premier contact, c’est le regard, le sourire » pour Sébastien. Allan concède que « c’est bon pour l’estime de soi. La ville est plus propre, on me le dit souvent, c’est gratifiant. » Le coordonnateur adjoint de Point du rue, Chad Badger, voit la différence. « Il y en a qui ne sont pas regardés ou jugés négativement. Les gens oublient que c’est du monde avec beaucoup de blessures et de souffrances. »

Une augmentation notable

La clientèle de Point de rue n’est pas majoritairement constituée de gens sans domicile fixe. « Certains ont un logement, mais ils sont dans la pauvreté quand même. Plus ça va, plus c’est dur de trouver un logement à Trois-Rivières. On a de plus en plus de monde. » Chad Badger remarque une augmentation constante de l’itinérance dans la ville ces dernières années. « C’est toujours allé en augmentant, mais depuis la pandémie, ça a grimpé beaucoup plus. »

M. Badger déplore que le financement gouvernemental ait été considérablement réduit ces dernières années. « Il manque des choses. Dans mon temps, parce que je l’ai vécu un peu, il y avait quand même des budgets pour des projets. Des fois ça durait trois mois ou six mois. Pendant ce temps-là, ça allait bien, je faisais plus d’argent, j’étais plus stable. »

Il évoque le projet de création de vitraux à la Salle J.-Antonio-Thompson et ailleurs en ville qui s’est terminé il y a environ dix ans. « Ces jeunes-là, maintenant, ils ont des familles et des emplois. On essaie de ramener ça parce qu’on sait que c’est quelque chose qui fonctionne à long terme. »

Entre-temps, le coordonnateur adjoint peut se réjouir de voir s’établir d’autres partenariats pour des projets comme celui-ci. Ce ne sont pas les ressources humaines qui manquent, mais les ressources financières. « Pour nous, une base qui va rester c’est qu’il y a plein de choses qu’on peut faire différemment. Des fois ça peut ne pas marcher, mais si on ne l’essaye pas, il n’y a rien qui va changer. »

D’autres initiatives seront très bientôt mises sur pied par Point de rue. Mentionnons que des musiciens se produiront au parc Champlain près de l’Hôtel de ville pour égayer les fins de soirées des passants. Douze dates sont à surveiller d’ici la fin de l’été. « Ça fait du bien et ça amène quelque chose de plus », conclut Chad Badger.