Agrandissement du parc industriel 40/55: la zone de développement revue à la baisse
La troisième mouture du projet d’agrandissement du parc industriel 40/55 a été présentée aux membres du conseil municipal mardi après-midi. Cette nouvelle version du projet vient surtout réduire la zone développable à 82,7 hectares, comparativement aux 103 hectares de la deuxième version du projet.
Cela représente 18% de la superficie autorisée par le Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques et des Parcs.
Le projet prévoit aussi la sauvegarde de 85,6% des milieux humides. Pour compenser ceux qui seront détruits, des frais de 7$ par mètre carré seront ajoutés à la vente des terrains. Ces montants seront versés à Éclore fonds environnement afin de financer l’acquisition de boisés d’intérêt social à des fins de conservation et d’aménagement d’accès.
« On a tenu compte des recommandations du RIVE et on a eu des discussions. On a également pris en considération les nombreuses questions émises lors de la première consultation publique. On a pris des notes et je pense qu’on a concocté quelque chose d’intéressant qui a du sens, tout en respectant les vues de développement durable de la Ville, commente Mario de Tilly, directeur général d’Innovation et développement économique (IDÉ) Trois-Rivières. Je crois qu’on a une proposition équilibrée. On travaillera avec ce que les élus nous donneront, mais je pense que c’est viable et rentabilisable sur le plan économique. »
La nouvelle version prévoit également de conserver les secteurs situés au nord du gazoduc et de l’extrémité du boul. L-P.-Normand, ainsi que de maximiser la superficie des terrains occupée par les bâtiments afin de respecter un taux d’occupation de 30% pour une meilleure densification du secteur. Par ailleurs, le projet serait développé en deux phases pour limiter l’impact dans les milieux humides.
Des propositions du RIVE considérées
En accord avec les recommandations du groupe de recherche RIVE de l’Université du Québec à Trois-Rivières, la troisième mouture inclut l’ajout des bandes riveraines de 50 mètres de part et d’autre de la rivière aux sables et les zones de conservation ont été réfléchies pour qu’elles agissent comme des corridors pour la faune.
« Dans la proposition du groupe RIVE, il y avait notamment des inquiétudes en lien avec la connectivité faunique. Leur proposition limitait aussi la fragmentation des milieux naturels et pourrait améliorer la conservation d’un aquifère. Par contre, leurs idées n’intégraient pas les contraintes anthropiques ou la tenure des terrains. Ça ne respectait pas non plus la séquence éviter-minimiser-compenser, donc ce n’est pas conforme à la Loi sur la qualité de l’environnement », souligne Dominic Thibeault, directeur de l’Aménagement et du développement durable à la Ville de Trois-Rivières.
D’après la loi, la Ville doit démontrer si elle peut éviter la destruction d’un milieu humide. Si ce n’est pas possible de l’éviter, il faut être en mesure de minimiser les impacts. Si cela ne peut être fait, il faut démontrer de quelle façon le tout sera compensé.
« Le projet du RIVE aurait causé la destruction de 27 hectares de milieux humides, dont 4,9 hectares de tourbière, soutient M. Thibeault. On était déjà à 13,7 hectares détruits quand on a présenté la seconde mouture. Le rapport Aménagement du territoire du Québec: fondamental pour la lutte contre les changements climatiques établit une cible de 30% de milieux humides protégés sur le territoire d’ici 2030. Avec cette version du projet, on est à 56,2% de milieux humides protégés avec priorisation selon la valeur écologique. Par ailleurs, 100% des tourbières sont protégées dans ce projet. »
« Le RIVE a adopté une méthodologie plus académique dans sa proposition, tandis que la Ville doit se conformer à la Loi sur la qualité de l’environnement. Le RIVE n’a pas fait ces démarches dans le but de proposer une demande d’autorisation au ministère de l’Environnement. Je pense que leur proposition serait plus difficile à être autorisée par le ministère, car il n’y a pas l’argument pour dire qu’on a tenté d’éviter la destruction de milieux humides, ajoute-t-il. Quand on réfléchit sur une base plus académique, c’est intéressant de se mettre au défi avec des critères différents, mais à la fin de la journée, la conformité à la loi est un enjeu inévitable pour la Ville. »
Les parcs industriels saturés
Depuis 2018, IDÉ Trois-Rivières a concentré ses efforts sur la revitalisation des friches industrielles, telles que l’ancienne usine Cascade Lupel ou encore l’ancien bâtiment de Germain et Frère au centre-ville.
« En ce moment, quand on regarde les terrains restants, ça demande de la décontamination et ils appartiennent à des entreprises privées. Il faudrait acheter des terrains et le coût de développement deviendrait faramineux, plaide le directeur général d’IDÉ Trois-Rivières. On a également accéléré nos actions dans le développement des technologies, ce qui a amené des entreprises dans nos parcs industriels. Ils sont maintenant saturés. »
L’organisation a étudié d’autres sites alternatifs avant de considérer l’agrandissement du parc industriel 40/55. L’espace limité disponible dans les autres parcs industriels rend l’implantation de plus grosses industries difficile. D’après l’analyse d’IDÉ, le parc industriel 40/55 présent le plus grand potentiel en matière de revenus.
M. de Tilly fait également remarquer que le momentum est intéressant présentement avec l’officialisation de la Vallée de la transition énergétique. Si l’expansion va de l’avant, IDÉ Trois-Rivières estime qu’une trentaine d’entreprises, majoritairement dans les domaines des technologies environnementales et des énergies vertes, pourraient s’y installer.
La Ville de Trois-Rivières pourrait tirer d’intéressants revenus de taxation à terme, note M. de Tilly, dans la mesure où le taux de taxation du secteur industriel est plus élevé que celui du secteur résidentiel.
« Pas un hectare de plus »
C’était salle comble à la salle publique de l’hôtel de ville pour la séance du conseil municipal. De nombreuses personnes étaient présentes pour faire entendre leur mécontentement face au projet.
La séance a d’ailleurs été interrompue par des manifestants bruyants lorsque la conseillère Pascale Albernhe-Lahaie a émis une proposition accessoire visant à retirer l’avis de motion controversé de l’ordre du jour de la soirée.
« C’est un dossier chaud et ça prendra beaucoup de nouvelles rues et beaucoup d’aménagements. Quand le parc sera plein, il faudra encore faire du développement économique et on détruira encore des milieux humides. Ou encore des boisés. Peut-on développer de façon différente? » a lancé Luc Tremblay, conseiller du district de Châteaudun. Le commentaire a été accueilli par des applaudissements nourris de la foule présente.
Des manifestants ont été galvanisés par l’intervention du conseiller Pierre-Luc Fortin qui a suivi. « C’est probablement une des pires décisions de la Ville qu’on aura prise, a-t-il déclaré. On nous a présenté un beau projet clé en main qu’on va nous rentrer dans la gorge. Dans deux semaines, il faudra voter (…) Il faut se tenir debout et je m’engage à me tenir debout. Il y a une enquête du vérificateur général qui se fait sur la gestion des milieux humides par la Ville. La réputation de la Ville de Trois-Rivières est en jeu. »
C’est à ce moment que deux manifestantes ont brandi une banderole avec les mots « Pas un hectare de plus » et ont déambulé dans la salle publique de l’hôtel de ville en scandant le même slogan en choeur avec de nombreuses personnes venues assister à la séance.
Le maire suppléant Daniel Cournoyer a rapidement suspendu la séance.
Le dossier a aussi occupé la majorité des questions soumises durant la période de questions. Les citoyens qui ont pris la parole ont essentiellement invité le conseil à voter contre le projet d’agrandissement du parc industriel pour éviter de détruire des milieux humides.
Un vote le 4 juillet
Mardi soir, le conseil municipal a été saisi de l’avis de motion visant à autoriser la conception, la réalisation et la surveillance des travaux de construction de fossés permettant l’acheminement des eaux pluviales vers un fossé existant pour le drainage des rues Charles-Malhiot et Louis-Loranger.
Les conseillers devront se prononcer sur la résolution lors de la séance publique du 4 juillet. Si la résolution est adoptée par la majorité du conseil, il s’agira alors de la première étape de l’agrandissement du parc industriel 40-55.
Le maire Jean Lamarche sera d’ailleurs de retour pour cette séance.
Une séance d’information pour le public
D’ici là, le public pourra en apprendre davantage sur la troisième mouture lors d’une séance d’information prévue le mardi 27 juin à 19 h. Initialement prévue en mode hybride, la formule de la séance a été revue au cours de la journée de mercredi. La présentation est maintenue, mais elle sera disponible uniquement en webdiffusion.
» Les incidents survenus hier durant la séance municipale ont provoqué un sentiment d’insécurité à l’hôtel de ville. Le climat de tension et les agissements observés soulèvent d’importants enjeux de sécurité qu’on doit prendre au sérieux (…) La Ville a le désir de communiquer l’information au public, mais elle a aussi la responsabilité de prendre les dispositions nécessaires pour protéger son monde « , indique la Ville de Trois-Rivières dans un avis transmis aux médias.
Dans les circonstances, l’inscription n’est plus nécessaire. Les citoyens pourront poser leurs questions à l’issue de la présentation.
D’ici là, la documentation en lien à la troisième mouture du projet d’agrandissement du parc industriel 40/55 peut être consultée sur le site Web municipal.
Cette activité de participation publique sera la dernière avant la décision du conseil municipal.