(OPINION) Milieux de garde ou maternelles 4 ans : comparaison ou coopération ?
LETTRE OUVERTE. Des chercheurs de l’Université du Québec à Trois-Rivières se prononcent sur le débat entourant la maternelle 4 ans.
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On ne peut que se réjouir de l’intérêt que le gouvernement actuel porte aux jeunes enfants du Québec. On assiste actuellement à un débat important dans lequel les interventions à privilégier chez les jeunes enfants doivent être au premier plan. Mais au fait de quelles questions débattons-nous exactement? Afin de contribuer au débat, nous présentons nos réponses à deux questions qui sont au cœur des échanges.
Dans quelle mesure la mise en place des maternelles 4 ans favorisera le dépistage des difficultés de développement?
La réponse est que celle-ci ne favorisera que partiellement la détection et le dépistage. En effet, ceux-ci doivent concerner tous les enfants dans leurs premières années de vie et non uniquement juste avant l’entrée scolaire. Il importe pour cela de s’assurer que les personnes qui consacrent un nombre important d’heures auprès de l’enfant adoptent une approche de vigilance par rapport aux défis du développement et qu’elles puissent être en mesure d’identifier le moment où il est nécessaire de référer pour une évaluation plus approfondie.
Les milieux de garde peuvent contribuer à la détection et au dépistage des difficultés de développement. Cette contribution implique nécessairement le parent. Il ne s’agit pas ici de transformer le personnel éducateur en professionnels du diagnostic. Bien au contraire, il est question de tirer profit des très nombreuses opportunités qu’ont les éducatrices/eurs pour observer les habiletés des enfants au quotidien. Avec des instruments développés à cette fin, un soutien et de la formation, cette contribution est tout à fait possible et pour certains milieux, il s’agit d’une pratique déjà établie.
Rappelons que l’identification d’une difficulté chez l’enfant n’est que le début d’un processus pour mieux répondre à ses besoins. Des défis persistent aussi pour mieux accueillir les enfants ayant des besoins particuliers et favoriser leur inclusion. Ces défis seront cependant tout aussi présents dans les maternelles 4 ans pour, entre autres, favoriser l’accès à des services spécialisés qu’ils soient du milieu scolaire ou encore du réseau de la santé et des services sociaux tout en collaborant avec les familles.
Des interventions visant le développement de la littératie et de la numératie sont-elles possibles en milieux de garde?
La réponse est oui. Les milieux de garde soutiennent le développement global de l’enfant dont les habiletés essentielles pour la préparation à l’entrée scolaire. Certains semblent douter que le type d’interventions réalisées en milieux de garde soit compatible avec l’acquisition chez les enfants des habiletés précoces liées à la lecture, à l’écriture et aux nombres. Pourtant, il est tout à fait possible d’encourager celles-ci en intégrant dans le quotidien de l’enfant des opportunités d’apprentissage faisant appel à ces habiletés.
Toutefois, il reste du travail à réaliser pour assurer des interventions de très grande qualité pour tous les milieux éducatifs.
Bien entendu, d’autres réponses restent à trouver sur les arrimages les plus appropriés entre les milieux de garde et les maternelles 4 ans. Une vision d’ensemble de l’organisation des services aux jeunes enfants du Québec permettrait de s’assurer que ceux-ci bénéficient des meilleurs services. Le milieu de la recherche pourrait d’ailleurs être mis à contribution pour tenter d’éclairer le débat. Ce n’est certes pas parce que le Québec manque de chercheurs qualifiés en petite enfance. Au contraire, plusieurs ont consacré une bonne partie de leur carrière à réaliser des recherches de qualité. Ils ont, pendant des décennies, mené des études sur le terrain, analysé des résultats et mis ceux-ci en perspective en fonction du contexte éducatif québécois.
Le Fonds de recherche du Québec sur la Société et la Culture via le programme des Actions concertées offre cette opportunité d’orchestrer un échange entre le milieu de la recherche et les décideurs gouvernementaux. Cette façon de faire contribue à assurer la qualité scientifique et la pertinence des études tout en protégeant l’indépendance des chercheurs.
Souhaitons que ce contexte provoque un investissement des décideurs pour un appel à projets dans le cadre de ce programme de subventions.
Carmen Dionne
Professeure au Département de psychoéducation et Titulaire de la Chaire Unesco sur le dépistage et l’évaluation des jeunes enfants (Université du Québec à Trois-Rivières)
Co-signataires
Annie Paquet, professeure au Département de psychoéducation de l’UQTR et Claude Dugas, professeur au Département des sciences de l’activité physique de l’UQTR (membres de la Chaire Unesco sur le dépistage et l’évaluation des jeunes enfants)
Maude Boutet, professionnelle de recherche de la Chaire Unesco sur le dépistage et l’évaluation des jeunes enfants
Annie Claude Dubé, étudiante à la maîtrise en éducation (psychopédagogie) de l’UQTR