De plus en plus de cas de cyberdépendance traités à Saint-Célestin
INNOVATION. Le nombre de demandes pour des cas de cyberdépendance a considérablement augmenté au cours des dernières années pour des traitements internes au Centre Le Grand Chemin.
Les cas les plus lourds y sont référés par le réseau de la santé et des services sociaux pour suivre une thérapie de 90 jours dans l’un des trois points de services, dont celui de Saint-Célestin. Des jeunes qui ont développé une telle obsession que leur santé mentale et physique s’est détériorée.
Certains s’imposent de l’isolement, que ce soit en lâchant l’école, en délaissant leurs amis ou leurs occupations. D’autres ne mangent pas beaucoup et/ou ne dorment presque plus. Le tout peut aussi s’accompagner d’une dépression, d’anxiété, de troubles de l’humeur ou d’autres signes de détresse psychologique.
C’est une nouvelle problématique qui a fait son apparition au cours des dernières années avec la venue des jeux en ligne massivement multijoueurs (MMO), l’omniprésence de l’Internet, la grande popularité des réseaux sociaux et la multiplication des applications mobiles.
Si bien qu’il y a un peu plus de trois ans, un premier cas a été référé au Centre. Un joueur de World of Warcraft qui n’arrivait plus à se sortir de la spirale virtuelle dans laquelle il avait été aspiré. Depuis, une quarantaine de jeunes vivant une problématique semblable ont été traités, notamment à Montréal et en Mauricie/Centre-du-Québec.
En hausse de 50%
Le nombre de cas est par ailleurs en constante évolution. Si bien que cette année, on prévoit qu’entre 15 et 20 jeunes devraient suivre le traitement, ce qui représente une augmentation de l’ordre de 50%.
Cela pourrait n’être que la pointe de l’iceberg, puisque la cyberdépendance est un phénomène qui commence à peine à être connu. À la suite de «Bye», un documentaire sur le suicide du fils d’Alexandre Taillefer qui était aux prises avec une telle dépendance, le nombre de demandes a explosé au Centre Le Grand Chemin.
«Comme nous faisions partie du reportage, il y a environ 75 parents qui nous ont contactés pour savoir quoi faire», indique le directeur général, David Laplante.
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À quand une unité spécialisée?
Avec la légalisation à venir du cannabis et les cas de cyberdépendance qui se font de plus en plus nombreux, le directeur général du Grand Chemin prévoit même manquer de places sous peu. «Présentement, on est juste. On ne pourrait pas en prendre plus», précise-t-il.
D’autant plus que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a reconnu officiellement la cyberdépendance comme une maladie, en décembre dernier. Cela viendra ajouter à la pertinence de développer une expertise sur le sujet. Le tout pourrait d’ailleurs se traduire dans les prochaines orientations du ministère de la Santé.
Déjà, le centre le Grand Chemin est à la recherche de financement pour développer une plus grande expertise sur la cyberdépendance qui touche environ 10% de sa clientèle. On souhaite notamment avoir plus de ressources, faire davantage de formations sur le sujet et accroître la prévention auprès des jeunes et des parents.
Le centre, dont les traitements se basent surtout sur la recherche, souhaite aussi collaborer à la réalisation d’études. D’où l’importance d’avoir des fonds pour pouvoir faire appel à des chercheurs sur le sujet, qui est jusqu’ici très peu documenté.
Le tout permettrait d’en faire plus pour développer des interventions plus spécifiques à la cyberdépendance. Une problématique qui, à l’adolescence, prend généralement environ quatre ans avant que l’accoutumance devienne problématique pour la santé, selon ce qu’indique David Laplante.
La cause de la dépendance
Pour le moment, les jeunes qui entrent au centre de traitement suivent sensiblement le même processus que ceux qui sont aux prises avec la toxicomanie. «Parce qu’ici, on ne travaille pas sur la substance, mais sur la cause qui mène à la dépendance», explique le directeur général.
Ainsi, les jeunes sont appelés à réorganiser leur agenda, à se doter de mécanisme de contrôle de soi et à développer des habiletés relationnelles. Ils sont ainsi sortis de leur isolement, invité à parler et à écrire pour identifier, comprendre et vivre leurs émotions.
Le tout vise surtout à les protéger d’eux-mêmes parce qu’une fois qu’ils sortiront du Centre, c’est certain qu’ils seront de nouveau en contact avec un ordinateur, une tablette ou un téléphone intelligent.
«Il faut arriver à leur faire comprendre qu’il y a des types d’utilités dont il ne pourra plus se servir», explique David Laplante.
Un sevrage qui peut être aussi fort que pour certaines substances. «Dans le cas de l’alcool et la drogue, il y a un effet physique, mais il se dissipe après quelques jours, continue le directeur général, tandis que pour la cyberdépendance, c’est beaucoup plus sur le plan psychologique».