Le flash de René Lévesque en 2012
Mon frère admirait René Lévesque. Un soir que « Ti-poil», comme on l’appelait, était de passage à la salle Thompson durant la campagne référendaire de 1980, j’ai emmené mon frère faire un tour.
C’était bondé.
La fièvre référendaire battait son plein. Je me rappelle l’une des dernières phrases de M. Lévesque ce soir-là: « Ce sera très serré! » Pressentait-il déjà la défaite?
Son discours terminé, M. Lévesque s’est mis à échanger avec les gens. J’avais promis à mon frère qu’il aurait l’occasion de lui serrer la main. Nous avons foncé vers l’avant de la salle. Nous faisions le pied de grue à une vingtaine de pieds de lui.
Il a fini par nous remarquer. Il a marché vers nous en sortant une cigarette. « Comment ça va les jeunes? » nous a-t-il lancé, un sourire de gamin aux lèvres. Aussitôt, un homme est venu l’agripper. Mais mon frère avait obtenu ce qu’il voulait : une poignée de main.
Méchante débarque!
Avec toutes ces histoires de pot-de-vin débitées à la commission Charbonneau, c’est fou comme l’étoile de René Lévesque flash fort par les temps qui courent. Elle n’a jamais flashé de façon aussi éclatante.
René Lévesque, Pierre Trudeau et Jean Drapeau se sont fait rentrer dedans à l’époque. Pourtant, ils avaient un point en commun: l’intégrité.
Le Québec a pris une méchante débarque depuis: scandale des commandites, corruption et collusion.
Intelligence et chaleur
Je travaillais à la fonction publique provinciale. Je jasais politique avec un haut fonctionnaire. « Lorsque je regarde René Lévesque, j’ai du dégoût. J’ai honte pour le Québec lorsqu’il se présente à des dignitaires étrangers. Pierre Trudeau, lui, a de la classe!» m’avait-il dit. L’homme n’aimait pas la façon de s’habiller de Lévesque, ses cigarettes, son air brouillon.
L’argument manque de profondeur, on s’entend. Mais il démontre que si René Lévesque a gagné le cœur des Québécois, c’était par son intelligence, sa chaleur humaine et son côté gamin. Il ne devait rien à son physique.
Pierre Trudeau a gagné beaucoup de batailles contre René Lévesque, mais je me suis toujours douté qu’il devait lui envier sa relation privilégiée avec les Québécois. La relation de Trudeau avec le Québec était solide, mais plus intellectuelle, plus froide. Excédé qu’on lui parle constamment de Lévesque, Trudeau avait déclaré un jour : «Lévesque n’était pas le bon dieu quand même! »
L’art de convaincre
René Lévesque avait le don de convaincre. Il savait comment s’y prendre. « Quel homme! » avait écrit Solange Chaput-Rolland lorsque Lévesque avait réussi à convaincre les militants péquistes de courir le beau risque du fédéralisme.
À l’époque où j’étais journaliste à Laval, plusieurs libéraux m’ont avoué qu’ils vouaient une grande admiration pour René Lévesque. Ils enviaient sa proximité avec les gens.
M. Lévesque n’a pas été remplacé, mais Lucien Bouchard est peut-être le politicien qui lui ressemble le plus. Lorsque je voyais M. Bouchard rassurer la population du Québec jour après jour à la télé lors de la crise du verglas, je voyais René Lévesque.
Durant la campagne référendaire de 1995, Lucien Bouchard, venu à la rescousse de Jacques Parizeau, avait livré un discours rempli d’émotion à Laval. Un cri s’est élevé dans l’assistance. « René est de retour! » avait crié un homme. M. Bouchard avait levé la main : «Non, arrêtez ça immédiatement! Il n’y aura jamais un deuxième René Lévesque. »
Une militante péquiste m’a dit un jour: «L’indépendance du Québec, il faut faire une croix là-dessus. Seul René Lévesque pouvait gagner un référendum ».
Lire le commentaire d’Alain Soulard > «Monsieur Lévesque, vous me manquez!»