Une dernière fois avant de mourir

C’est l’une des histoires les plus tristes que je connaisse.

Bosko est un Serbe, donc de religion orthodoxe. Admira est une Bosniaque, de religion musulmane.

Nous sommes au printemps 1993. La ville de Sarajevo subit un siège effroyable. Planqués dans les collines qui entourent la ville, des tireurs embusqués de nationalité serbe tirent sur tout ce qui bouge dans les rues de Sarajevo : hommes, femmes, enfants, vieillards.

Si ce ne sont pas les tireurs, ce sont les obus qui pleuvent sur la ville. Selon Wikipedia, le siège a duré du 5 avril 1992 au 29 février 1996. Quelque 10 000 civils ont trouvé la mort et les rapports indiquent une moyenne d’environ 329 impacts d’obus par jour pendant le siège, avec un record de 3 777 impacts d’obus le 22 juillet 1993.

Voilà pour le contexte.

Fuir

Revenons à Bosko et Admira. Ils ont 25 ans tous les deux et se fréquentent depuis presque dix ans. Même si leurs peuples respectifs se font la guerre, et que les rues de la ville sont exposées aux tireurs et aux obus, l’homme et la femme traversent, chaque jour, une bonne partie de la ville pour continuer à se voir.

Des membres de la famille de Bosko avaient quitté la ville pour fuir la guerre, mais Bosko avait refusé de partir. Il ne voulait pas quitter Admira.

Au printemps 1993, le couple en a assez. Tous les deux décident de quitter Sarajevo. L’hiver qu’ils viennent de traverser a été terrible: la faim, l’absence de chauffage, les viols, le pillage entre voisins.

Bosko et Admira doivent traverser la ligne de front. D’un côté les tireurs serbes, de l’autre les tireurs musulmans qui défendent les citoyens de Sarajevo.

La ligne de front

Arrive le jour du départ, le 19 mai 1993. Les deux camps promettent à Bosko et à Admira qu’ils les laisseront traverser. L’homme et la femme ont des contacts des deux côtés, ce qui a facilité l’entente.

Valise à la main et sac à dos, le couple s’aventure dans le no man’s land.

Des coups de feu éclatent. Atteint à la poitrine, Bosko tombe la face contre terre. Il est tué sur le coup. D’autres coups de feu. Admira tombe à son tour. Elle rampe jusqu’à Bosko et l’enlace une dernière fois avant de mourir. Elle aurait survécu une quinzaine de minutes peut-être.

Il ne restait à Bosko et à Admira qu’une vingtaine de mètres à marcher avant de pouvoir quitter Sarajevo sain et sauf.

Les deux camps adverses ont refusé d’aller chercher les corps. Trop dangereux. Par contre, ils se sont engueulés, cherchant à savoir de quel camp les coups de feu étaient partis. Et les Casques Bleus de l’ONU ont refusé de s’en mêler.

Conséquence: les dépouilles de Bosko et d’Admira resteront sur place pendant une semaine, près de la rivière Miljacka qui sépare la ville en deux. La photo les montrant enlacés a fait le tour du monde.

L’homme et la femme sont enterrés côte à côte dans un cimetière de Sarajevo.

Si l’histoire vous intéresse, je vous invite à la lire en détail au http://www.grands-reporters.com/Les-amants-du-pont-de-Sarajevo.html

Il semblerait que la chanson «Ils s’aiment de Daniel Lavoie» ait été consacrée à Bosko et à Admira, mais je n’ai pu réussir à le confirmer.

Un documentaire a été tourné sur l’histoire: Romeo and Juliet in Sarajevo

Lisez les histoires d’amour suivantes à lhebdojournal.com (section opinion chronique) :

-Chéri, je suis une tueuse professionnelle

-Je t’aime donc je te kidnappe

-La belle histoire de Fanny et de Robert