Un dernier Festival de la poésie pour Maryse Baribeau et Gaston Bellemare

Trois-Rivières se laissera bercer par la poésie à compter du 4 octobre à l’occasion du 40e Festival international de la poésie. Cette édition sera bien spéciale pour Maryse Baribeau, directrice générale, et Gaston Bellemare, président et fondateur, puisqu’il s’agira de leur dernière édition à la tête de l’événement.

Pour cette 40e édition, les organisateurs ont opté pour la continuité afin de donner aux festivaliers ce qu’ils aiment: près de 250 activités, dont les classiques La poésie au pouvoir (9 octobre), Poètes en prison (5 octobre) et la Grande soirée Québecor de la poésie (11 octobre), des lectures dans les restaurants, des ateliers, la corde à poèmes et bien plus.

Pourquoi quitter le festival après autant d’années? « C’est parce qu’on l’aime », disent-ils. « Avec l’âge qui avance, on se dit qu’on ne sera pas toujours là et on ne voulait pas trop attendre et se retrouver devant une absence de relève. C’était le moment. »

C’est à la suite du décès du poète Gatien Lapointe que l’événement a vu le jour. Alors à la tête des Écrits des Forges, Gaston Bellemare a lancé l’idée de créer un festival pour célébrer les poètes. Pour lui, il n’y avait pas d’autre lieu que Trois-Rivières pour lancer ce festival: « C’est une ville de poésie », dit-il, en citant les Gatien Lapointe, Alphonse Piché et les autres.

Ils étaient quelques étudiants de l’Université du Québec à Trois-Rivières à mettre la main à la pâte pour concevoir l’événement. Au début, c’était modeste, sur trois jours, avec des poètes d’ici, mais après cinq ans, les premiers poètes internationaux ont fait leur entrée au festival.

« Il fallait développer le public, l’habituer à venir voir des lectures de poésie et voir si le public allait aimer cette proposition. Comme la maison d’édition Les Écrits des Forges publiait et traduisait des poètes de partout, on a décidé d’inviter certains poètes internationaux », raconte le président et fondateur du Festival international de poésie de Trois-Rivières.

Le poète breton Eugène Guillevic, une sommité dans le monde de la poésie, est alors devenu le premier invité de l’international à prendre part au festival. Sa participation a donné une crédibilité à l’événement qui n’a cessé de se développer par la suite.

Pour sa part, Maryse Baribeau ne devait venir aider l’organisation que pour une année pour la gestion du quotidien. Finalement, elle y sera restée plus de 30 ans, devenant la complice de Gaston Bellemare dans l’organisation de l’événement.

« Quand je suis arrivée, Gaston a commencé à travailler beaucoup à l’international. Comme il voyageait beaucoup, il fallait gérer les choses ici. Petit à petit, on s’est divisé les territoires, explique-t-elle. Gaston travaillait à l’international, tandis que je gérais tout au niveau national et des activités. »

Se brancher sur son cœur

Gaston Bellemare et Maryse Baribeau ont souhaité démystifier la poésie auprès du grand public par le biais de lectures faites par les poètes. La première lecture est toujours faite en français pour la compréhension, mais la seconde se fait dans la langue d’origine du poème.

« Lire un poème, ce n’est pas comme l’entendre lu par le poète qui l’a écrit. Tu vois son émotion dans ses yeux, tu vois ses mains qui bougent. S’il parle d’une peine d’amour, tu comprends ce qu’il dit et tu peux le suivre en lui-même dans ce qu’il vit et ressentir l’émotion », lance Gaston Bellemare. Branchez-vous sur votre cœur et soyez ouvert. »

« Venez simplement les entendre dans un café ou dans un restaurant, invite-t-il. Comme la majorité des gens qui sont venus pour la première fois au festival, vous serez contaminés par la poésie parce que vous allez rejoindre votre émotion et entendre des mots qui collent avec ce que vous ressentez, tout simplement. »

Ce qu’ils sont fiers de laisser en héritage, ce sont toutes ces bribes de poésie qui sont intégrées dans la structure de la ville, que ce soit par les plaques de poésie, les bancs du parc Champlain où sont gravés des vers ou encore le monument du poète inconnu.

« On souhaitait que la poésie soit visible à l’année. Sur la promenade de la poésie, il y a environ 112 poèmes en 22 langues. Des gens viennent en voyage de noces à Trois-Rivières pour cette poésie dans la ville », soutient Mme Baribeau.

Elle raconte aussi l’histoire de ce jeune homme qui a sollicité un coup de main de l’organisation pour faire sa demande en mariage durant le festival. « Il s’était inscrit à un des ateliers de poésie et lui avait écrit un poème. Comme il était trop gêné pour le lire, on a demandé à un poète présent de le lire pour lui. Le poète a mis tout son cœur dans la lecture de ce poème. C’était magique. À la fin du poème, il a mis le genou au sol et a fait sa grande demande et tout le monde a applaudi quand elle a dit oui. On a tellement vécu de moments marquants comme ça au fil des années. »

Le pouvoir de la poésie, c’est aussi le rapprochement entre une poète syrienne et une poète israélienne qui avaient initialement refusé de participer ensemble à la même soirée de poésie, mais qui se sont retrouvées dans les mots et la souffrance de l’autre.

Face à des enseignants qui confiaient ne pas savoir comment enseigner la poésie à leurs élèves, le Festival a commencé à donner des formations et des ateliers pour donner des pistes d’enseignement et de compréhension pour en faciliter l’enseignement.

« Je me souviens qu’une fois, lors d’une activité, on avait demandé à des enfants de la maternelle ce qu’était, pour eux, la poésie, mentionne la directrice générale. Il y en a un qui avait répondu:  »Ça aide à vivre ». Vivre pleinement la poésie, ça amène aussi à la musique, au théâtre, à d’autres formes d’art. La poésie est pour tout le monde. »

Un sanctuaire pour les poètes du monde

C’est Annie Lafleur, l’une des lauréates du Grand Prix de la poésie Québecor cette année, qui disait que le Festival international de poésie de Trois-Rivières était un sanctuaire pour les poètes du monde.

« Il y a un lien affectif entre les poètes et le festival, souligne Maryse Baribeau. Quand on les rappelle d’année en année, ils veulent revenir. Le festival a aussi un peu aidé à cimenter la communauté internationale. L’accueil, la réception que le public a faite aux poètes, le silence dans les cafés, les bars et les restaurants pendant les lectures alors que ce ne sont pas des endroits de silence normalement. Notre travail a été de convaincre le public et le public a convaincu les poètes. C’est le public qui a fait en sorte que tous les poètes se sont sentis aimés, écoutés et respectés. »