Itinérance: les commerçants sensibilisés à agir avec bienveillance

Depuis maintenant un mois, des intervenants psychosociaux du CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec vont à la rencontre des commerçants du centre-ville, du secteur Bas-du-Cap et des centres commerciaux pour partager les bonnes approches à adopter envers les personnes vulnérables.

Depuis le 5 juillet, la brigade a rencontré 150 commerçants en 25 sorties. Chaque sortie dure entre deux et trois heures. La brigade circule à pied et va à la rencontre des commerçants situés sur sa route. L’objectif est notamment de démystifier les préjugés envers les personnes en situation d’itinérance ou vivant avec des troubles de santé mentale ou des problématiques d’usage de substances psychoactives.

« Il s’agissait d’une action prioritaire à mettre en place pour amener des éléments de sensibilisation et des outils d’intervention auprès des gens qui sont dans la rue ou qui ont des comportements qu’on juge parfois plus dérangeants », explique Dave Fillion, directeur du programme santé mentale adulte et dépendance au CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec (MCQ).

« On réalise que beaucoup de commerçants ont déjà de bonnes approches et de bonnes pratiques pour pouvoir intervenir auprès de ces gens, poursuit-il. On fait ce renforcement pour continuer avec ces actions. On a une très belle réceptivité de la part des commerçants en termes de support et de soutien.

« Les commerçants sont quand même contents de nous voir arriver, confirme Lucie Rocheleau, psychoéducatrice au sein de la brigade de sensibilisation. Je trouve qu’ils ont déjà une attitude bienveillante pour la plupart, même qu’ils sont un peu mal à l’aise s’ils nous racontent qu’il est arrivé un petit quelque chose avec une personne en situation d’itinérance et qu’ils ont dû la mettre dehors. »

Elle remarque également que les commerçants qui sont plus éloignés du centre-ville de Trois-Rivières sont moins au courant des ressources communautaires et services qui peuvent être offerts.

En plus de discuter avec les commerçants des façons de mettre ses limites avec une personne ayant des comportements dérangeants, les intervenants leur remettent un dépliant dans lequel on retrouve des exemples d’approches bienveillantes pour favoriser l’inclusion sociale, ainsi qu’une liste des services en santé mentale et dépendance avec la façon de les contacter.

« Pour moi, une approche dans la bienveillance va permettre une meilleure cohabitation parmi tous les citoyens, soutient Ève Boucher-Bourassa, chef des services en itinérance pour le CIUSSS MCQ. Qu’on soit une personne en situation d’itinérance ou une personne vivant avec des enjeux de santé mentale ou de consommation, on reste un citoyen. Quand  on a besoin d’aller vers les services, un besoin d’habiter l’espace public, habiter le parc, venir chercher un verre d’eau chez un commerçant, être accueilli avec bienveillance, ça veut dire avec respect et dans toute l’humanité que ces personnes ont. C’est de les traiter comme des citoyens à part entière. »

Mardi matin, la brigade de sensibilisation s’est arrêtée au Lewis Café pour discuter avec la gérante. Le personnel du Lewis Café adoptait déjà une approche la plus humaine possible envers les personnes en situation d’itinérance. La gérante du commerce du centre-ville, Alexandra Javla, souligne toutefois la pertinence de la démarche menée par la brigade.

« On a moins vécu de situations où une personne arrivait en état de crise, mais c’est arrivé à une ou deux reprises qu’on ne savait pas trop vers qui se tourner. C’est pour ça que je trouve très pertinent de distribuer le petit dépliant comme ils viennent de le faire parce que c’est vrai qu’on manque de ressources parfois. C’est vraiment intéressant d’avoir ces informations près de nous », indique-t-elle.

« On vient combler un besoin nommé »

L’initiative découle du Forum sur la cohabitation sociale qui s’est tenu à Trois-Rivières en juin.

« On vient combler un besoin nommé, soit celui de travailler sur la cohabitation et l’occupation d’espaces publics par tout le monde. Ça nous permet aussi d’avoir un lien ou de favoriser ce lien entre les gens en situation d’itinérance et les commerçants et citoyens. On est vraiment dans la coopération sociale avec ce projet », affirme le maire de Trois-Rivières, Jean Lamarche.

« On avait dit qu’on n’attendrait pas la publication du plan d’action pour poser des gestes concrets. C’est ce qu’on fait, ajoute-t-il. On travaille encore en étroite collaboration avec le gouvernement provincial pour voir comment on peut encore une fois innover et arriver avec des approches différentes qui vont nous permettre d’avoir des résultats concrets. »

La Ville de Trois-Rivières se prononcera également le 20 août, lors de la séance publique du conseil municipal, sur la modification réglementaire visant à accueillir des personnes en situation d’itinérance dans l’immeuble du 1645, rue Royale. La Halte-douceur permettait à une trentaine de personnes en situation d’itinérance de dormir au chaud pendant l’hiver, mais l’hiver dernier, des citoyens vivant à proximité et commerçants avaient vécu des désagréments.

Une assemblée publique sur le sujet est prévue le mardi 13 août à 18 h à l’hôtel de ville. Ce sera l’occasion pour les citoyens de s’exprimer sur le changement réglementaire qui sera, par la suite, déposé pour approbation le mardi suivant.

« La Halte-douceur, on va certainement la bonifier. On s’est servi de la première année pour voir comment on peut faire mieux. Il faut continuer les efforts et travailler sur la cohabitation sociale. Il faut travailler sur l’acceptabilité de permettre à des gens de passer la nuit dans un endroit chauffé dans des conditions acceptables dans le voisinage. C’est un travail qui va se faire en consultation et avec les citoyens », conclut le maire.

Lucie Rocheleau, psychoéducatrice, et Louis-Philippe Leblanc-Cyr, travailleur social, Gilles Hudon, PDG adjoint au CIUSSS MCQ, Dave Fillion, directeur du programme santé mentale adulte et dépendance, le maire Jean Lamarche et le ministre Jean Boulet. (Photo Marie-Eve Alarie)

Quelle suite pour la brigade?

Un bilan de la saison estivale de la brigade de sensibilisation sera effectué par le CIUSSS en septembre. « Ça nous permettra d’ajuster nos interventions par la suite et voir de quelle façon la brigade pourrait continuer de s’investir ensuite. Cet été, on sort en moyenne deux fois par jour. Est-ce qu’on conservera la même fréquence? Est-ce qu’il y aurait des façons de rencontrer plus de commerçants ou de citoyens? C’est ce bilan qui nous permettra de voir comment cette nouvelle offre de service va se moduler », indique M. Fillion.

Considérant que l’itinérance est un enjeu qui touche l’ensemble de la région, il n’est pas impossible de voir l’initiative faire des petits dans d’autres villes de la Mauricie et du Centre-du-Québec.

« Il y avait une priorité à installer la brigade à Trois-Rivières, mais les besoins sont partout. Si les retombées sont gagnantes et qu’on voit que de belles choses en découlent, ce n’est pas interdit de le faire ailleurs. De ce que j’entends, c’est une initiative qui est de Trois-Rivières et non quelque chose qui s’est vu à la grandeur de la province », conclut le directeur du programme santé mentale adulte et dépendance au CIUSSS MCQ.