Quand la danse contemporaine se déploie en région
L’interprète et chorégraphe en danse contemporaine Marie-Ève Lafontaine a présenté des portes ouvertes de son projet en danse contemporaine, Slow Re[Wind], l’automne dernier. La dernière porte ouverte du projet sera présentée le samedi 3 février 16h à la petite Place des arts de Saint-Mathieu-du-Parc.
Les portes ouvertes proposées consistent à montrer au public une période de recherche créative entre les interprètes et la chorégraphe. « J’essayais de trouver une solution pour faire cette rencontre entre la danse contemporaine et les gens en région, mais pas seulement avec le résultat fini. C’est beaucoup plus facile d’avoir accès à ça à Montréal. En région, des processus artistiques, on n’en montre pas. C’est de cette idée-là que le projet est né en fait », explique Marie-Ève Lafontaine.
L’artiste reconnaît que la danse s’est davantage démocratisée dans la dernière décennie notamment grâce à des émissions de télévision telles que So You Think You Can Dance ou, plus récemment, Révolution.
« La danse est rentrée dans les maisons, mais tout le processus créatif en art vivant, comment on fait une pièce de théâtre par exemple, ça, on n’y a pas accès. Peut-être que les gens qui aiment le théâtre seraient surpris par le processus de création théâtrale. On voit souvent juste le produit final ».
Par conséquent, l’artiste a présenté des portes ouvertes à l’école Mouv, Académie de Danse de Trois-Rivières, ainsi qu’à Odaci – École de danse et de cirque de Shawinigan à l’automne 2023. Ces représentations furent l’occasion de créer des échanges avec l’auditoire, comme en témoigne Marie-Ève Lafontaine.
« Après, on discute avec le public. On se garde un bon 30 minutes de discussion, autant sur le métier de créateur ou d’interprète, mais aussi sur ce qu’ils ont vu. Tout dépendamment d’où les gens proviennent, la discussion se développe selon les intérêts. Pour nous c’est hyper riche. Ça nous nourrit ».
Les interprètes-créateurs Louise Gamain, Mathieu Hérard, Marie-Maxime Ross, Madeleine Bellefeuille et Elisa Barrat. (Photo courtoisie – Justine Bellefeuille)
Le projet Slow Re[Wind] se déploiera en trois grandes parties. La première consistait en cette série de portes ouvertes sur le processus de recherche et d’exploration créative. Pour ce qui est de la deuxième partie, Marie-Ève Lafontaine souhaite développer un projet en collaboration avec une école secondaire où les programmes d’art sont absents. Dans le cadre de son troisième volet, l’artiste cherche à construire une activité auprès des 50 ans et plus.
« Mon objectif est de couvrir large sur le territoire. Je ne voulais pas juste le faire à une place, alors le projet se promène. Le premier volet se termine à Saint-Mathieu. L’école secondaire, ce sera du côté de Trois-Rivières. Pour le volet auprès des 50 ans et plus, ce sera davantage à Shawinigan. Au début du projet, je me disais que ce serait une création nomade à travers la Mauricie. J’ai vraiment l’impression que je viens de la Mauricie et non d’une seule ville ».
Marie-Ève Lafontaine avait à cœur de travailler avec des artistes en danse de la relève. Louise Gamain, Mathieu Hérard, Marie-Maxime Ross, Madeleine Bellefeuille, Elisa Barrat et Justine Bellefeuille, comme assistante à la création, constituent son équipe. « J’ai fait exprès de prendre des artistes de la relève pour leur faire voir la région, puis, tranquillement, les amener de façon de plus en plus récurrente ici pour qu’à moyen ou long terme, il y en ait qui veulent rester, puis qu’il y ait du travail ici. Ça, c’est un de mes objectifs aussi: générer de l’emploi ».
Une démarche distinctive
La prémisse du projet Slow Re[Wind] se distingue dans la mesure qu’elle est inconnue des interprètes et du public. « Les interprètes ne sont pas au courant. Mon point de départ est directement collé sur moi. Il part de moi, de mon vécu, mais j’ai fait le choix de ne pas leur dire pour qu’ils ne se restreignent pas à essayer de chercher dans une seule direction. C’est tout là mon défi : les amener à créer ou générer des états ou du mouvement sans trop qu’ils s’en rendent compte », soulève l’artiste.
« Souvent, le processus, on en parle, par exemple, ça va traiter de la solitude. On dirait que comme interprète, tout de suite, tu te fais une idée de ce que c’est physiquement. Là, ils n’ont pas ça ».
La chorégraphe soutient également que le public s’interroge sur le sens et la prémisse de la performance, mais fait le choix de ne rien leur divulguer.
« Chaque fois qu’on a ouvert le studio, la question est venue : »c’est quoi? ». On dirait qu’on a besoin de se raccrocher à ça. En même temps, je leur rappelle qu’ils assistent à un début de processus. Je fais beaucoup le parallèle avec la peinture parce que pour moi c’est directement ça. C’est comme si un peintre en art abstrait montrait ses premiers coups de crayon qui va cacher probablement, ou qui va transformer. Puis au final, ce que ça va donner, c’est assez abstrait. Il n’y aura pas d’histoire reliée à ça. Ce sera aux visiteurs et aux témoins du résultat final de s’en faire une. Pour moi, ce parallèle avec la peinture est très clair ».
Marie-Ève Lafontaine. (Photo courtoisie – Frédéric Veilleux)
Le parcours en danse
Native de la Mauricie, Marie-Ève Lafontaine a fait des études à l’École de Danse contemporaine de Montréal. « Dans le fond, je viens de revenir dans la région. Je suis native d’ici, mais ça faisait déjà 22 ou 23 ans que j’étais partie. J’ai eu une carrière comme interprète et enseignante en danse à Montréal. Je pense que j’étais rendue là, d’apporter cette expertise-là dans ma région ».
En plus de ses projets comme chorégraphe, elle enseigne depuis plusieurs années à l’École de danse contemporaine de Montréal et continue d’alimenter cette fibre pour la pédagogie dans la région, notamment à la salle communautaire de Saint-Mathieu-du-Parc.