Les enjeux de santé mentale chez les entrepreneurs mis en lumière
Pour son dernier déjeuner d’affaires en 2023, la Chambre de commerce d’industries de Trois-Rivières (CCI3R) a souhaité sensibiliser les entrepreneurs et les employés aux défis que représentent la gestion de leur santé psychologique.
Les chiffres sont éloquents. D’après un sondage mené récemment par la Fédération des chambres de commerce du Québec, 74% des répondants ont indiqué avoir déjà fait face à un problème de santé mentale. Par ailleurs, 52% des participants ne se sentaient pas suffisamment outillés pour aborder cet enjeu dans l’entreprise.
« La grande majorité des gestionnaires ne va pas bien, affirme Sophie Ouellet, vice-présidente, développement des affaires, garanties collectives à la Sun Life. On constate une hausse des absences de longue durée depuis la pandémie. Il y a encore un tabou d’en parler. Les gens en entendent parler, mais beaucoup se disent qu’ils n’en ont pas dans leur entreprise. Je pense qu’il y a une méconnaissance des signes qui montrent qu’une personne ne va pas bien. »
« J’ai été bouleversé d’apprendre que 64% des propriétaires de PME étaient insatisfaits de leur santé mentale. Ils vivent une pression énorme avec le contexte économique, l’inflation, la pénurie de main-d’œuvre… L’ensemble de l’écosystème économique entraîne beaucoup de stress. Beaucoup identifiaient aussi la conciliation travail-famille comme source de stress », souligne Jean Boulet, ministre du Travail et député de Trois-Rivières.
La discussion a permis de mettre de l’avant des outils pratiques pour préserver leur équilibre mental et émotionnel dans un environnement professionnel exigeant. Par exemple, chez Consultants Mesar, le budget des activités sociales a été augmenté en octobre et novembre lorsqu’il a été constaté que les employés étaient plus fatigués et irritables.
« On s’est également doté d’un programme d’aide aux employés qui est anonyme et indépendant du bureau, précise Élyse Massé, associée et directrice des opérations chez Consultants Mesar. Entre gestionnaires, on s’informe et on discute aussi de situations pour limiter les sautes d’humeur à la source et offrir de l’aide plus rapidement. C’est de s’assurer que les employés se sentent écoutés. »
« Le piège à éviter, c’est de penser que toutes les mesures sont bonnes pour tout le monde, poursuit Mme Massé. Par exemple, on avait fait un gym au bureau en se disant que tout le monde allait capoter et l’utiliser. Finalement, ça ne fonctionne pas du tout, mais nos tables de ping-pong et de babyfoot sont très populaires auprès des employés! »
« Pour notre part, nous avons cinq formations disponibles pour les gestionnaires et quatre pour les employés. Ce sont des ressources gratuites. Les formations ne sont pas très longues. Certaines durent seulement 20 minutes. Ça peut être l’occasion de commander une pizza, en écouter une en équipe et en discuter après, mentionne Sophie Ouellet. Les gens ne sont pas toujours au courant quelles ressources ils peuvent aller chercher quand ils ont besoin d’aide. »
C’était important pour le président de la CCI3R d’aborder cette thématique cette année. Lui-même s’est exprimé sur la crise de panique qu’il a déjà vécue comme entrepreneur.
« J’avais frappé un mur comme entrepreneur, confie Patrick Massicotte. Quand j’ai commencé mon mandat de président à la Chambre de commerce, c’est l’un des premiers sujets dont j’avais parlé à Geneviève [la directrice générale]. J’avais aussi eu une rencontre avec Jean Boulet. On sortait tranquillement de la pandémie et on sentait, sur le terrain, que c’était une préoccupation, mais les gens ne voulaient pas en parler. On était dans le tabou. Je pense que la Chambre a ce rôle d’enlever ce type de barrière. »
« On est assez souvent interpellé sur la question parce que les organisations voient une augmentation de l’absentéisme, mais aussi du présentéisme, note-t-il. Il y a beaucoup d’éléments qui peuvent entrer en ligne de compte, que l’on pense à des problèmes familiaux, la gestion d’un stress exceptionnel, etc. Le message que je veux retenir, c’est qu’il faut se prioriser comme humain à la base, avant l’entrepreneur, car pour que l’entreprise aille bien, il faut que l’entrepreneur aille bien aussi. »
Une ligne de soutien à venir
La Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) travaille, cette année, sur la création d’une ligne de soutien psychologique pour les entrepreneurs.
« On pense que les entrepreneurs veulent pouvoir s’exprimer sur la détresse qu’ils ressentent. Le fait de pouvoir s’adresser à quelqu’un qui a vécu quelque chose de similaire et qui connaît le vocabulaire des entrepreneurs, ça ne remplace pas un service professionnel médical ou psychologique, mais ça pourrait être une ligne de soupape », explique Charles Millard, président-directeur général de la FCCQ.
« On se dit que ce sera possiblement moins intimidant parce que ça peut l’être d’ouvrir son jeu comme ça. On aimerait aussi qu’il y ait une portion de mentorat ou de coaching si la subvention est suffisamment élevée », conclut M. Millard.