S’entraider entre vétérans

« Le monde des vétérans, ça ne vit pas que douze jours par année pendant la période du coquelicot. C’est à l’année. On a des gars tous les jours qui sont dans le besoin », fait remarquer Eric de Wallens.

Nous sommes attablés avec Clément Paquette et Yves Boucher dans les locaux de Vétérans Nouvelle Génération. Au moment de l’entrevue, la campagne annuelle du coquelicot commençait à peine. Les premiers coquelicots venaient d’être remis aux maires de Trois-Rivières et Louiseville, ainsi qu’à la mairesse de Nicolet.

Le début du mois de novembre, à l’approche du Jour du Souvenir du 11 novembre, est une période difficile pour de nombreux vétérans, souligne Yves Boucher.

« J’ai discuté avec un vétéran qui a fait pas mal de missions dans l’armée. Il m’a dit que le 11 novembre, c’est la journée où il faut le ramasser parce qu’il ne va vraiment pas bien. Il sombre cette journée-là », raconte Clément Paquette, cofondateur de Vétérans Nouvelle Génération.

Alors ils s’entraident. Ils savent qu’ils peuvent retrouver d’autres vétérans comme eux avec qui ils pourront discuter ou simplement passer un moment.

C’est d’ailleurs la devise de Vétérans Nouvelle Génération: ne plus jamais être seul,

« On voulait apporter une nouvelle vision de l’entraide entre les vétérans. Ce qu’on appelle la nouvelle génération de vétérans, c’est après la guerre de Corée. Il y a encore de la discrimination parmi les vétérans. Des gars de ma génération de vétérans ont voulu se présenter à la Légion royale canadienne, mais certains ont été mal reçus. D’autres comptaient la valeur des vétérans au nombre de missions auxquels ils avaient pris part ou à quelle guerre. C’est pour ça qu’on a lancé Vétérans Nouvelle Génération. Pour ramener l’entraide entre vétérans au cœur de tout ça », explique Yves Boucher, l’un des fondateurs de l’organisation.

Ils ont troqué les uniformes bleus plus traditionnels pour des vestes de moto en cuir, noires en mémoire de leurs frères tombés au combat. Et puis, la veste attire également de plus jeunes vétérans, ceux qui ont servi à la guerre du Golfe, en Afghanistan, en Somalie, en Irak ou en Bosnie, par exemple. 

Briser l’isolement

L’un des buts d’Yves Boucher, lors de la création de Vétérans Nouvelle génération était d’alléger la souffrance, la solitude et le combat de survie de plusieurs personnes ayant vécu les mêmes choses et que chacun veille sur l’autre, mais également de sortir les vétérans de l’isolement.

« On a un numéro de téléphone. On a des personnes-ressources dans toutes les petites villes, même du côté des Laurentides et de Sherbrooke. La dernière fois qu’on a aidé un vétéran, il avait deux paiements qui n’avaient pas passé et était incapable de faire son épicerie. On a appelé notre personne là-bas. On lui a dit de le contacter pour savoir ce qu’il lui faut pour son épicerie. On a acheté deux cartes d’épicerie et le gars a pu y aller », raconte Yves Boucher.

Surtout que le retour à la vie civile peut s’avérer plus ardu pour certaines personnes. 

« J’en connais qui sont retournés dans l’armée. Ils n’étaient pas capables. Sur le terrain, c’est comme une bulle. Tu connais tout le monde. Quand tu arrives ici, ce n’est pas pareil. (…) La santé mentale, c’est important », mentionne Clément Paquette. « Le retour à la vie civile est vécu différemment par tout le monde. On est trois avec trois expériences différentes, ajoute Yves Boucher. Dans le temps de la Seconde Guerre mondiale, demander de l’aide, ce n’était pas reconnu. Ça ne fait pas tellement d’années que le syndrome de stress post-traumatique est reconnu », note Yves Boucher.

C’est pour ça que les membres se réunissent au local de la rue Saint-Irénée, à différents moments de la semaine, pour participer à des activités ou simplement se retrouver. Le mardi en après-midi, Clément Paquette et plusieurs autres ont commencé à construire des modèles réduits. En soirée, les jeux de société sont à l’honneur.

Il y a le yoga le mercredi, le groupe Musique Legend Rider Band qui se réunit le jeudi, alors que le vendredi soir est réservé au souper spaghetti. Ligue de dards et danse folklorique et country sont également à l’horaire le week-end. La famille des vétérans y est aussi la bienvenue. 

« C’est fait pour sortir la personne de son isolement, mais aussi pour se retrouver. Discuter du service militaire, mais aussi de tas de choses, pour déconner, pour s’écouter, pour avoir une personne heureuse », lance Clément Paquette.

L’organisation a également dégoté un médecin de Trois-Rivières qui aide les vétérans à remplir tous les papiers médicaux nécessaires une fois de retour à la vie civile. « On les aide à remplir les papiers et les formulaires pour obtenir ce à quoi ils ont droit. C’est énorme comme paperasse. On a maintenant des contacts partout », lance Yves Boucher.

« Moi, je me suis blessé. J’ai eu un accident de camion là-bas. Ils m’ont mis dehors sans me donner les soins pour me remettre d’aplomb, confie-t-il. Un monsieur de la Légion royale m’a aidé à remplir mes papiers pour me faire reconnaître comme vétéran. C’était en 1996. Ils ont refusé en disant que je n’étais pas capable de prouver que j’étais en service quand j’ai eu mon accident, même si c’était écrit noir sur blanc dans mon dossier médical que je m’étais fait frapper par un camion. Ça m’a pris 23 ans pour me faire reconnaître… et sept ans pour ma blessure à l’épaule. »

« La reconnaissance des vétérans, ce n’est pas la même chose dans tous les pays. En Belgique, je ne suis pas reconnu comme un vétéran, car pour l’être, il faut avoir participé à l’une des 116 missions de la liste, raconte Eric de Wallens, représentant médiatique pour Vétérans Nouvelle Génération. Ceux qui ont servi pendant la guerre froide, comme c’est mon cas, ne sont pas reconnus. Par contre, ici au Canada, on me reconnaît comme un vétéran. »

Une organisation qui fait des petits

De 90 membres à ses débuts, Vétérans Nouvelle Génération a passé le cap des 200 membres cette année. Ceux-ci proviennent essentiellement de la région. Le mouvement a fait des petits. On retrouve maintenant une cellule Vétérans Nouvelle Génération France, ainsi qu’une autre pour la Belgique.

Vétérans Nouvelle Génération se donne aussi pour mission de préserver et d’améliorer le patrimoine militaire et d’en promouvoir la mémoire. Grâce aux fonds amassés avec la Fondation de vétérans Thunder Ride, Vétérans Nouvelle Génération souhaite d’ailleurs installer un monument dans le secteur Cap-de-la-Madeleine l’année prochaine.

« Le Thunder Ride existe pour les monuments. On en a fait un à Rivière-Rouge pour les 158 gars qui sont morts en Afghanistan », conclut Yves Boucher.

Cérémonie du Jour du Souvenir

La cérémonie du Jour du Souvenir à Trois-Rivières aura lieu le samedi 11 novembre à 11h au Cénotaphe situé sur la rue Notre-Dame Centre. Le rassemblement des troupes se fera dès 9h30 au Manège militaire où se tiendra également une courte cérémonie. Les pelotons défileront ensuite en ville jusqu’au Cénotaphe par les rues Sainte-Geneviève, Laviolette, Royale, des Forges et Notre-Dame Centre.

En ce sens, la rue Notre-Dame sera fermée à la circulation automobile entre la rue des Forges et la rue Bonaventure entre 10h30 et 12h30.