Le développement du parc industriel Carrefour 40-55 va de l’avant
De l’intérieur de la salle publique, on entendait l’écho des manifestants réunis devant l’hôtel de ville lorsque les élus municipaux se sont pronconcés en faveur de la première étape qui mènera à l’agrandissement du parc industriel Carrefour 40-55 dans des milieux humides, soit le drainage des rues Charles-Malhiot et Louis-Loranger dans le parc industriel des Carrefours et un emprunt de 885 000$ à cette fin.
Les conseillers Sabrina Roy, Maryse Bellemare, Daniel Cournoyer, Alain Lafontaine, Pierre Montreuil, René Martin, Jonathan Bradley et le maire Jean Lamarche ont voté en faveur de ce règlement, ce qui a porté le vote à 8 pour et 7 contre. C’est le maire Lamarche qui a tranché l’égalité des voix.
« Plusieurs choses ont été dites. À l’époque de l’achat du terrain, c’était un terrain rêvé pour les tenants de l’économie pure. Les choses ont évolué depuis. J’entends aussi le discours des tenants de l’environnement sans concession. Ce discours mérite d’avoir sa place à l’échelle publique et d’être écouté. Il a un impact sur les choix qu’on fait, assure le maire Jean Lamarche. Est-ce que cette mouture du projet est assez pour quelqu’un qui va prôner l’environnement à tout prix? Peut-être pas et je le respecte. »
« Quand je suis arrivé en politique, j’ai prôné un choix fortement inspiré de certaines planifications stratégiques existant à Trois-Rivières et chez Innovation et Développement économique, notamment l’intégration de l’économie verte, ajoute-t-il. Ça ne plaît pas à tout le monde non plus. Je prône cet équilibre. Je pense que Trois-Rivières a la pulsation, le potentiel et tout ce qu’il faut pour utiliser son économie pour son social et son développement environnemental. Ça nous amène peut-être à faire des choix imparfaits. À regret, on laisse aller des milieux humides. »
Rappelons que la troisième mouture du projet de développement du parc industriel du Carrefour 40-55 vient réduire la zone développable à 82,7 hectares, comparativement aux 103 hectares de la deuxième version du projet. Cela représente 18% de la superficie autorisée par le Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques et des Parcs.
Le projet prévoit aussi la sauvegarde de 85,6% des milieux humides. Pour compenser ceux qui seront détruits, des frais de 7$ par mètre carré seront ajoutés à la vente des terrains. Ces montants seront versés à Éclore fonds environnement afin de financer l’acquisition de boisés d’intérêt social à des fins de conservation et d’aménagement d’accès.
« Il n’y a rien de pire que de détruire des milieux humides pour relâcher le carbone qui y est emmagasiné. On entend partout qu’il ne faut pas détruire les milieux humides, mais des gens s’entêtent pour l’argent. C’est absolument inacceptable », s’est exclamé Luc Tremblay, conseiller du district de Châteaudun.
De son côté, Geneviève Auclair s’est dite déçue que le conseil n’ait pas opté pour une consultation publique en bonne et due forme en amont du vote. « On a reçu des avis d’un peu partout, mais on n’a pas fait de démarche structurée, déplore la conseillère du district de Saint-Louis-de-France. Il y a une crise communicationnelle et on est en réaction. J’aurais aimé qu’on reçoive des propositions qui seraient venues enrichir notre réflexion collective. Là, il y a beaucoup de colère, de sarcasme et de haine. Peu importe l’issue du vote, je vais continuer de travailler avec tous mes collègues. »
Une quinzaine de citoyens ont quitté la salle publique à la suite du vote. Ce fut aussi le cas de la conseillère Sabrina Roy qui a quitté pour le reste de la soirée.
Un référendum consultatif proposé
La conseillère du district des Rivières, Pascale Albernhe-Lahaie, a auparavant amené une proposition accessoire pour demander de reporter le vote jusqu’à la tenue d’un référendum consultatif sur la question, ce qu’elle présentait comme « un effort ultime » pour consulter la population.
« Je suis aussi allée dans les milieux humides avec la biologiste Audréanne Loiselle. On en a tiré une vidéo d’une vingtaine de minutes disponible sur ma page Facebook. Je pense qu’on peut exceller en envronnement et en conservation, ainsi qu’en développement économique. En ce moment, ce qui est la source de la confrontation, ce sont les principes de gouvernance archaïques auxquels nous sommes confrontés. Pour moi, ce sont de mauvais principes de gouvernance », affirme Mme Albernhe-Lahaie.
L’idée a rallié plusieurs de ses collègues autour de la table du conseil municipal, en particulier pour le volet consultatif inclus avec la proposition de référendum.
« Qu’est-ce que ça va prendre pour qu’on puisse écouter la population, lance le conseiller du district de Pointe-du-Lac, François Bélisle. Une pétition lancée il y a cinq ou six jours pour s’opposer au projet a recueilli plus de 5000 signatures déjà. Je n’ai pas entendu les gens qui sont pour le projet. »
« Le projet est imparfait et ne satisfait pas tout le monde. Je retiens qu’il y a 10 hectares de touchés sur un ensemble d’environ 300 hectares. C’est une proportion éloquente. Je trouve uq’il y a eu des efforts comparativement à la deuxième mouture. C’est insuffisant aux yeux de certains. À mes yeux, c’est ce qu’il fallait faire », répond Pierre Montreuil, conseiller du district du Carmel.
Au final, la proposition de tenir un référendum consultatif a été rejetée par le conseil de ville à 8 contre 7.
Selon Jean Lamarche, il aurait été « contreproductif » d’étirer encore le processus avant de tenir le vote. « Je pense qu’on est rendu à un moment où il faut prendre la décision. L’idée d’aller en consultation quand tout le monde avait fait son lit au sein du conseil, ça aurait été contreproductif. Le code d’éthique mentionne, au niveau de la loyauté, qu’il faut se rallier aux décisions faites de façon démocratique. J’encourage les élus à le faire et je m’engage aussi à les accepter et à travailler avec leurs idées », commente-t-il.
« On ne lâche pas le morceau »
Une heure avant le début de la séance du conseil, plusieurs citoyens se sont réunis sur le parvis de l’hôtel de ville dans une manifestation aux allures festives. Mais derrière le côté familial de la manifestation, les opposants au projet de développement du parc industriel Carrefour 40-55 n’entendent pas arrêter leur combat.
« Ce soir, le vote, c’est pour emprunter de l’argent à la banque pour aller en appel d’offre, donner un contrat et creuser un fossé. C’est une première étape légale. Pour les militants, c’est clair, on ne lâche pas le morceau. Le mouvement est rendu très très fort. On n’hésitera pas à aller sur le terrain. On est en train de monter des formations en désobéissance civile pour occuper le terrain. On ne lâche pas le morceau », annonce Mariannick Mercure, qui s’implique au sein du groupe Terre précieuse.
L’ancienne conseillère municipale se réjouit aussi de voir les gens qui se mobilisent de plus en plus pour la protection des milieux humides. « On reçoit beaucoup d’appuis de partout: d’anciens éputés, des députés actuels, de bands punk, de chercheurs qui sortent pour dénoncer le projet. Ça fait chaud au coeur de voir que les gens sont encore capables de se mobiliser », précise-t-elle.
Manifestation devant l’hôtel de ville de Trois-Rivières. (Photo Marie-Eve Alarie)
Jean Lamarche de retour
La séance publique du 4 juillet était courue. Déjà à 17h30, des citoyens se présentaient aux portes de l’hôtel de ville de Trois-Rivières. Divers acteurs du milieu économique, dont le président de la Chambre de commerce et d’infustries de Trois-Rivières, étaient également de la foule, tout comme un observateur mandaté par la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation.
La salle publique de l’hôtel de ville était déjà remplie à pleine capacité une vingtaine de minutes avant le début de l’assemblée. Les portes de l’hôtel de ville ont d’ailleurs été barrées alors qu’une centaine de personnes étaient encore réunies à l’extérieur.
Cela ne les a pas empêchées de se faire entendre durant la séance, tandis que la salle pouvait entendre un écho des manifestations qui ont continué pendant une bonne partie de la séance.
Le maire Jean Lamarche effectuait son retour à la table du conseil municipal à la suite d’un congé maladie d’environ six mois. Il a été accueilli dans la salle par des applaudissements nourris et quelques huées de la foule.
La séance n’aura toutefois pas été de tout repos. Le maire a d’ailleurs eu une prise de bec avec le conseiller du district de Pointe-du-Lac, François Bélisle. Le ton a monté entre les deux hommes. La foule s’est aussi faite vocale au moment de l’adoption du point conflictuel de l’ordre du jour.
Le président-directeur général de la Vallée de la transition énergétique, Alain Lemieux, a aussi assisté à la séance du conseil. Prenant la parole lors de la période de questions, il s’est dit « vraiment concerné, même perplexe » face aux échanges entre les élus municipaux.
« Quand j’assiste aux échanges, la façon dont ça se fait, ça me rend perplexe pour la suite parce qu’on veut un Trois-Rivières fort dans son élan de décarbonation, pas juste au cœur de la ville, mais pour la province du Québec au complet, fait-il savoir. Comment Trois-Rivières va arriver à faire les choses correctement et respectueusement pour se positionner dans le projet de transition énergétique? »
» Je pense que personne ici ne veut détourner l’environnement, mais je suis sûr que si on ne se positionne pas et qu’on ne fait pas les choses correctement, on va se faire passer sur le corps par les États-Unis qui vont venir nous déculotter dans nos élans de développement », poursuit-il.
« Il faut revenir à un ton plus calme »
Questionné au terme de la séance du conseil municipal, M. Lamarche dit tout de même avoir senti une certaine tension retomber après l’adoption du projet. Toutefois, il soutient qu’il faut revenir à un ton plus calme autour de la table du conseil.
« On est dans un domaine où on peut facilement grimper dans les rideaux. Il faut arrêter ça. Ça veut dire de débattre des idées et non des personnes. Qu’on remette en cause mon travail, c’est correct, mais qu’on arrête les attaques personnelles. Il ne faut plus accepter le manque de respect. La radicalisation d’un discours y a contribué, mais comme conseil, on doit revenir à l’essence, c’est-à-dire la démocratie et le choc des idées », déclare-t-il.
« J’espère arriver avec une énergie qui va me permettre de solutionner certaines probléamtiques. J’ai constaté dans la dernière semaine, lors de rencontres avec des intervenants, qe nos gens à la Ville sont écorchés et fatigués. Les gens ont vécu des tensions. Je pense que c’Est l’heure de se réconcilier et de retravailler ensemble », conclut le maire.