Cap sur l’Europe avec Matthew Pistilli
Dans l’ombre des caméras et des bulletins de sports, Matthew Pistilli aura connu une très belle carrière de hockey professionnelle. Son parcours avec les Estacades Midget AAA l’a ensuite conduit à Shawinigan, puis à Gatineau. Ayant ensuite signé un contrat professionnel avec les Hurricanes de la Caroline, il fera la navette AHL/ECHL pendant six ans avant de s’envoler pour l’Europe afin d’y connaître beaucoup de succès.
Sur la patinoire, Pistilli a toujours été doté de talent. Après une saison de 48 points en 41 matchs au niveau Midget AAA, il a vécu un championnat avec les Olympiques de Gatineau, puis une finale perdue en 7 matchs aux mains des Voltigeurs de Drummondville. Alors qu’il faisait la navette dans la ECHL, il y a cumulé des saisons de 31 points en 27 matchs, 51 en 39, 40 en 31 et 56 en 58. Puis une fois débarqué en Europe, il a maintenu six de sept saisons à plus d’un point par match, marquant plus de 20 buts à cinq reprises. Cette saison en Allemagne (Division 3), il domine la colonne des pointeurs de son équipe avec 45 points en 35 matchs, soit 19 points que son plus proche prédécesseur, Branislav Pohanka (26).
« C’est sûr que j’ai gardé de très beaux souvenirs de Shawinigan et Gatineau. J’ai d’ailleurs marqué le premier but au Centre Bionest le 27 décembre 2008 face au Junior de Montréal. Je dois toute ma vie professionnelle en hockey à mes années juniors. J’ai eu la chance de gagner un championnat et je suis revenu à Shawinigan vivre une grosse finale contre Drummondville », se souvient-il.
« C’est ce qui m’a permis de signer un contrat de trois ans avec les Hurricanes de la Caroline. Ensuite, j’essayais de me battre pour percer le Top-6 dans la Ligue américaine. J’étais toujours dans cette position et un peu trop fort pour la ECHL. J’aurais pu continuer là-bas, mais lorsque ma blonde a terminé ses études à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), je lui ai dit qu’on pourrait essayer l’Europe. Je voulais découvrir une autre culture du hockey et c’était moins physique et moins demandant pour le corps. Dans ma situation, c’était plus payant de faire le move. »
Celui qui a aujourd’hui 34 ans a amorcé son périple européen au Danemark avant de joindre les Lions de Frankfurt dans la Division 2 d’Allemagne pendant trois ans. Il est retourné au Danemark en 2019-2020 avant d’alterner Allemagne et France ensuite. Cette année, il est de retour en Allemagne avec les Indians de Hannover en Division 3.
« Je m’amuse beaucoup aussi et nous avons une bonne équipe. Le calibre serait comparable à un calibre entre à la Ligue nord-américaine de hockey (LNAH) et la Ligue de hockey Senior AAA du Québec (LHSAAAQ). La culture du hockey en Allemagne est omniprésente et les gens ont un sentiment d’appartenance à leur équipe. De notre côté, ça varie de 4000 à 5000 spectateurs par match. À Mannheim ou à Berlin, on parle de 15 000 à 20 000 fans par match », explique-t-il
« La passion est énorme chez les fans et surtout depuis l’ascension des Leon Draisaitl, Tim Stutzle et Moritz Seider. Les gens ne le savent pas, mais ils sont fans de hockey depuis très longtemps ici. Les gens sont hyper fans de toutes leurs équipes sportives en fait. C’est le pays où le hockey ressemble le plus à celui du hockey d’Amérique du Nord et c’est d’ailleurs pourquoi on y retrouve plusieurs Canadiens comme joueurs, mais aussi comme coachs. Il y a beaucoup de bons joueurs allemands qui sont bons et qui décident de rester ici parce qu’ils sont heureux et que le calibre est relevé. Combien d’Européens j’ai vus faire la navette dans la Ligue américaine de hockey (LAH) et la ECHL et avoir le mal de la maison. Souvent, ils préfèrent rester en Europe et ils dominent ici. »
Sans regret
Pistilli n’a jamais regretté son départ pour l’Europe. Sa conjointe s’est même trouvé un emploi en enseignement et le couple n’a toujours pas établi s’il allait rentrer au Québec lorsque l’aventure de Matthew prendra fin.
« À long terme, on a aucune idée. Si on rentre au Québec, on garderait un pied à terre en Allemagne. J’en suis pas mal sûr. De mon côté, je termine mon baccalauréat en Administration et je vais peut-être disputer une dernière saison l’an prochain. On commence à penser à retrouver une vie normale, se voir les week-ends et prioriser une vie familiale », confie-t-il.
Pour être encore aussi dominant à 34 ans, il faut énormément de discipline. De son propre aveu, il doit sa longévité à son préparateur physique de longue date, Alen Suton, co-propriétaire du gym F.R.R.A.P. Performance Athlétique.
« J’ai connu Alen à 24 ou 25 ans et il ne m’a jamais lâché. C’est grâce à lui si j’ai pu jouer si longtemps et éviter les blessures. C’est encore lui qui prépare mes entraînements. J’ai toujours été un relativement bon joueur, mais je ne m’entraînais pas nécessairement bien. J’aurais vraiment aimé le rencontrer à 19 ans (rires) », souligne-t-il.
En décembre, sa formation a croisé le faire avec la deuxième équipe d’Hannover, les Scorpions. Les deux équipes ont évolué devant plus de 35 000 dans un stade de soccer lors d’une classique hivernale.
« Imaginez, c’est comme si deux équipes de la Ligue senior s’affrontaient au Stade olympique. C’est un match de catégorie derby (rivalité) ici, explique-t-il. Je me souviens qu’un jour, on avait juste une défaite à notre fiche et nous avions perdu un affrontement derby (rivalité). Pour les fans, c’était la fin du monde et ils nous l’ont fait savoir. »
Ce sont finalement les Scorpions qui ont remporté le match par la marque de 5-2.
« Les matchs rivalités sont les plus importants pour eux et ça m’a vraiment pris une ou deux années avant de vraiment le réaliser. Lorsqu’on dispute un match derby, c’est comme un 7e match de séries. L’intensité est à son comble et ça brasse chez les spectateurs. C’est à un autre niveau et on ne retrouve pas de telles rivalités en Amérique du Nord. On vient de disputer un match derby récemment et les 1000 fans adverses étaient répartis dans deux sections. Les deux sections étaient entourées de policiers anti-émeutes. »
Chose certaine, Matthew est reconnaissant d’avoir pu gagner sa vie en vivant de sa passion. Il recommanderait l’Europe sans hésitation à quelconques jeunes qui hésitent à tenter l’expérience.
« J’ai tellement d’amis qui ont joué partout et c’est une très belle expérience. Les joueurs importés sont bien rémunérés et on apprend tellement de choses, tellement de cultures différentes. Par contre, il faut être ouvert d’esprit et ne pas se penser en Amérique du Nord. Je conseillerais aussi de s’impliquer avec les gars et de sortir avec les gars. On en a vu des joueurs importés venir à l’aréna et repartir sans s’impliquer. Souvent, ils ne sont que de passage. Il faut s’impliquer parce que c’est comme ça qu’on s’intègre et que l’on connecte avec les autres joueurs », conclut-il.