Santé: Legault promet une levée de boucliers contre l’alliance entre Trudeau et Singh
QUÉBEC — Un affrontement se prépare entre Ottawa et les provinces sur le financement et le respect des compétences en santé.
L’alliance conclue mardi entre le premier ministre Justin Trudeau et le chef néo-démocrate Jagmeet Singh bafoue les compétences des provinces et, de ce fait, ne doit pas avoir d’avenir, selon le premier ministre François Legault, prêt à en découdre avec son homologue fédéral.
Si Ottawa persiste dans cette voie, l’alliance PLC-NPD va «frapper un mur», prévient le premier ministre du Québec, persuadé qu’il ne dirige pas la seule province prête à barrer la route aux leaders politiques fédéraux, qui dirigent tous deux des partis politiques «très centralisateurs».
«Il va y avoir un affrontement», a prédit M. Legault, en mêlée de presse mercredi matin, se disant assuré que le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, était un de ceux qui étaient sur la même longueur d’onde que lui.
«Le Québec n’est pas à vendre», a renchéri la ministre des Relations canadiennes, Sonia LeBel, devant les journalistes.
À Ottawa, où le gouvernement libéral est minoritaire, le premier ministre Trudeau et le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD) s’étaient entendus la veille pour que le gouvernement puisse compter sur les troupes néo-démocrates afin de se maintenir au pouvoir jusqu’en 2025, soit au terme du mandat actuel, sans craindre d’être défait à tout moment. Actuellement, le gouvernement Trudeau a besoin de l’appui d’un parti d’opposition pour faire adopter chacun de ses projets de loi.
En contrepartie, le NPD a acquis l’assurance que le gouvernement Trudeau allait donner suite à son objectif de créer un programme de soins dentaires pour les plus démunis et de fournir aux Canadiens un régime universel d’assurance-médicaments. La collaboration entre les deux groupes parlementaires s’étendra aussi à d’autres dossiers.
Or, il s’agit là d’enjeux de compétence exclusivement provinciale, a insisté M. Legault, prévenant les chefs politiques fédéraux qu’un «front commun très fort des provinces» se mettrait en place pour leur barrer la route.
«Je m’excuse, mais le gouvernement fédéral n’a aucune compétence pour être capable de dire combien on met d’argent dans les soins de longue durée, combien on en met en santé mentale», a dit M. Legault en mêlée de presse mercredi matin.
«Je pense qu’ils vont frapper un noeud», a-t-il promis.
Sur le même ton, la ministre LeBel a rappelé que le gouvernement fédéral, grâce au programme de paiements de transfert, avait l’obligation de verser annuellement des sommes aux provinces, mais que ce transfert d’argent ne devait pas se faire «au détriment de nos compétences». Elle a ajouté qu’il n’était pas question de voir l’autonomie du Québec affaiblie en échange d’argent.
M. Legault ne veut pas d’ingérence fédérale dans la gestion des soins de santé, mais il tient mordicus à ce que le gouvernement fédéral assume une plus importante partie de la facture.
La sortie du premier ministre Legault s’inscrit dans la croisade qu’il mène depuis quelques années pour convaincre Ottawa d’assumer 35 % des dépenses en santé effectuées par les provinces, et ce, sans conditions. Actuellement, Ottawa assume 22 % des coûts de santé. Si le gouvernement fédéral s’appropriait ce scénario, il devrait verser aux provinces 28 milliards $ de plus par année. Pour sa part, le Québec recevrait annuellement quelque 6 milliards $ additionnels.
Quand il dirigeait le Conseil de la fédération, en 2020, M. Legault avait réussi à créer un front commun des provinces dans ce dossier, pour accroître la pression sur le premier ministre Trudeau, mais jusqu’à maintenant en vain.
Dans son budget 2022-2023 présenté mardi, le ministre des Finances, Eric Girard, a réaffirmé lui aussi la volonté du Québec de changer le mode de financement de la santé au pays, de manière à forcer le fédéral à assumer une partie beaucoup plus substantielle de la facture des provinces.
Cette année, le budget du Québec en santé est évalué à 55 milliards $.